/image%2F0538441%2F20240910%2Fob_7cfbb1_simenon-long-cours.jpg)
Simenon n'est pas que l'auteur de la série des Maigret ! On trouve une ribambelle de titres de cet auteur en collection Folio (policier, quand même...) où "Long cours" a été republié en 2012. Il s'agit en fait d'un roman d'aventures : après avoir commis un crime qu'elle prétend politique une jeune femme, Charlotte, fuit la France entraînant dans son sillage Jef un "camarade" anarchiste sorti depuis peu du sanatorium. Le "couple" s'embarque à Dieppe sur un cargo en partance pour l'Amérique du Sud. Le capitaine Mopps qui accueille les fuyards n'est pas plus "clean" qu'eux : il s'adonne au trafic d'armes pour des rebelles latino-américains. Son cargo devra franchir le canal de Panama en cachant et les armes et la fille. Nos aventuriers échouent momentanément dans un coin perdu de Colombie : fleuve remonté en pirogue, mine d'or perdue dans la jungle, ingénieur belge et demi-fou, isolement et maladie, rats et crocodiles, la panoplie est complète! Pourtant l'aventure se poursuivra à Tahiti : avec fleurs de tiaré, vahinés généreuses, et expatriés au passé trouble. Charlotte mène une vie un peu dévergondée pour 1936 et le lecteur pas plus qu'elle ne sait de quel père est son fils. De quoi rendre Jef malade et Mopps jaloux.
Trente-trois ans à la parution du roman, Georges Simenon est alors un auteur tout à fait prometteur. On sent vibrer les machines du cargo, on est oppressé par l'air moite de Panama et de Barranquilla, après quoi Papeete a tout l'air d'un paradis - du moins pour ceux qui peuvent en profiter. Avec un style coulant, sans paragraphe de plus de dix lignes, le roman porte la trace de son époque par des subjonctifs plus nombreux que dans un tweet d'époque sarko-hollandaise. Rien là dont on puisse se plaindre. On suit avec intérêt la difficulté de Jef pour se couler dans son personnage et prendre en main son destin : on comprend vite qu'il a suivi cette fille par faiblesse et qu'il lui sera difficile de sortir vivant de cette aventure au long cours. Avec ses manières négligées et sa voix criarde Charlotte peut irriter : ça fait penser à tel ou tel film de l'époque. Quant à Mopps, le capitaine grande gueule, c'est incroyable comme il m'est apparu sous les airs de Gabin !
• Georges Simenon : Long cours. Folio policier, 2012, 428 pages.