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Dans ce nouveau récit, Laroui continue d'interroger les rapports entre Français et Marocains ; il s'essaie à un conte moderne où l'humour et la satire, conjugués au Laroui-riad.jpgmerveilleux, rendent le texte plaisant. On retrouve le goût de l'auteur pour les jeux de mots, les citations littéraires, les bribes de chansons populaires. Et si ce roman est moins travaillé qu’ "Une année chez les Français", il n'en est pas moins grinçant. François et Cécile, un couple de parisiens, la quarantaine sans enfants, décide sur un coup de tête de refaire sa vie. À l'instar des BHL ou des Delon, ils achètent un riad à Marrakech. Sans aucune attirance pour la civilisation maghrébine, sans aucune connaissance de cette culture, bardés de préjugés à l'encontre des Marocains, les voici embarqués pour un an d'aventures rocambolesques.

Hmoudane, l'agent immobilier local profite d'eux et joue l'innocent quand ils découvrent, atterrés, une vieille chibani centenaire dans la pièce du fond de leur riad. Fée? Sorcière? Son corps reste intangible, elle ne boit ni ne mange et ne "parle", paraît-il, qu'au voisin, Mansour : elle attend son fils Tayeb que les Français doivent lui ramener…

Mansour va les y aider en leur faisant lire son histoire de Tayeb, indissociable de celle du Protectorat français au Maroc : des années 1912 jusqu'à la fin de la 2° guerre mondiale, ce jeune berbère d'abord rebelle aux occidentaux s'engage dans l'armée française. Devenu amnésique après une grave blessure à Monte Cassino, l'armée l'a rapatrié au Maroc. À sa mort, Lolla Ghita, l'une de ses trois mères, a fait promettre à son esclave noire, Massouda, de rester dans la chambre du fond à attendre le retour du fils.

Des rumeurs courent sur ces Français comploteurs, sur cette maison hantée, impossible à revendre. Et si Mansour avait tout comploté pour que Cécile et François renoncent à leur projet? —Tous deux semblent alors s'éveiller, se passionnent pour la civilisation marocaine, lisent, consultent, finissent par prendre conscience de leurs fausses certitudes : "c'était nous les intrus", et non la vieille femme qui, de leur point de vue, squattait "leur" maison. Renonçant à s'installer à Marrakech, ils transforment le riad en Musée des tirailleurs marocains : sur une photo, on découvre le sergent Tayeb, les Français l'ont bien rendu à sa maison natale...

Dans le prolongement de la pacification du Maroc, Laroui dénonce son actuelle colonisation économique par le tourisme immobilier, marché porteur , irrespectueux de la population comme de l'histoire locales. Toutefois, entre le people bobolisant et le précis d'histoire du Maroc au 20e siècle, Laroui déçoit. Malgré un beau passage où il imagine les dernières années du soldat amnésique, on en reste à "pouvait mieux faire".

 

• Fouad LAROUI.  La vieille dame du riad.  Julliard, 2011, 248 pages.

 

=> Sur l'histoire du protectorat au Maroc, voir le travail d'Abraham Lahnite, "La politique berbère du Protectorat français au Maroc", 3 volumes, L'Harmattan, 2011.

 

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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