• Le jeune réalisateur sri-lankais Sanjeewa Pushpakumara donne avec "Flying Fish" un très intéressant premier long-métrage pour lequel il a concouru en 2011 dans le cadre de plusieurs festivals. L'action se passe au Sri-Lanka alors que l'insurrection des Tigres Tamouls — qui a fait 200 000 morts depuis 1977 – n'a pas encore été écrasée. Au lieu de bâtir un film politique ou historique, le réalisateur nous propose une approche plus subtile : trois récits entrecroisés abordent le choc de la guerre sur cette société insulaire en prenant appui sur un petit nombre de personnes. Wasana, la jeune femme amoureuse d'un soldat qui la quittera s'il est muté dans un autre poste, et dont le père est recruté de force par l'armée. Une femme qui élève seule une famille nombreuse et dont le fils aîné — dont l'aide aux pêcheurs est payée en poissons — finit par refuser que sa mère se prostitue. Une jeune fille dont la famille est menacée, rackettée puis assassinée par les Tigres Tamouls tandis qu'elle parvient à s'échapper.
• La grâce du film tient d'abord à l'absence de discours démonstratif, de plaidoyer politique : la dénonciation de l'action militaire, et des Tigres Tamouls, se fait d'elle-même par l'évidence de ses résultats sur la vie quotidienne et les drames familiaux qui sont d'abord les violences subies par les femmes — comme le montre la série inaugurale des femmes enceintes. Le spectateur de "Flying Fish" est largement conquis par la beauté des images d'un film qui évite de se transformer en documentaire géographique : la photographie, de jour comme de nuit, est étudiée pour nous donner des couleurs très affirmées, saturées, avec des dominantes de terre et de végétation, alors que le bleu du ciel et de la mer est plus rare. Le plaisir esthétique, ça signifie encore quelque chose pour ce réalisateur inspiré mais modeste, qui aime des plans larges, et ne sacrifie pas à la mode des portraits en gros plan qui gâchent tant de films, creux sans doute. La composition et l'éclairage de certaines scènes d'intérieur sont particulièrement réussis. L'atmosphère de tristesse et de tragédie passe par des ruines, peut-être d'hôtels, où les couples se retrouvent devant des murs couverts de graffitis ou d'impacts de balles, et par des champs incendiés, mais le réalisateur a refusé la facilité d'en multiplier les occurences. La fin ne cache pas l'opinion du réalisateur sur l'avenir de son pays : le garçon et la fille qui échappent à la zone de guerre se retrouvent, seuls passagers, dans un autocar qui file sans conducteur. C'est à mon goût un film beau et émouvant qui mérite des récompenses et des spectateurs nombreux et attentifs.(Sélection du Festival des Trois Continents, novembre 2011).
FLYING FISH, de Sanjeewa Pushpakamura. Sri-Lanka, 2011,125 min. Voir le site en anglais.