En 1929, quand le krach survint à Wall Street, de nombreux observateurs, même peu frottés de culture marxiste, évoquèrent la « crise finale du capitalisme ». D’autres crises boursières ont eu lieu depuis, la plus récente en 2008. On la baptisa « crise des subprimes ». La banque d’affaires Lehman Brothers fit une faillite retentissante, puis le gouvernement sauva les autres. On ne revivrait pas 1929 et on éviterait « la crise finale ». Quoique…
Flore Vasseur nous introduit au cœur du Système financier mondial. C’est l’histoire de Pierre, lycéen boutonneux né à Clermont-Ferrand et fils de plombier. Sa passion pour les maths et l’informatique en a fait un polytechnicien puis un golden boy du Crédit Général dans une tour de la Défense. Mais au lieu de se retirer avant quarante ans dans un ashram de l’Inde comme son collègue Paulo, voilà notre trader renommé investi d’une mission très spéciale par la mystérieuse Madame Krudson.
Sentant venir le terme de sa vie, la fondatrice de Bilderberg prétend, dit-elle, « désintégrer le système avant qu’il ne change de mains ». Le trader français quittera le bureau new yorkais de Madame Krudson avec en poche une clé USB décorée de l’image d’Hello Kitty, le personnage japonais pour enfants. Une plaisanterie ? Un super virus ? Ou un programme inédit pour sauver les « hedge funds » au bord du gouffre ? Cet étrange rendez-vous ne provoque pas de réaction immédiate de Pierre, jusqu’à ce que des faits inattendus, dramatiques, et l’apparition d’Hello Kitty lui rappellent sa mission. Passé le suspense de la mise en œuvre qui paraît tarder entre Paris, Londres et Hong Kong, la fin du livre vous éclairera par les surprises du résultat.
Jusqu’au milieu du récit, l’auteur décrit principalement la vie de Pierre, une vie ravagée par sa fausse réussite matérielle : un mariage sans amour et un divorce précipité (Marie), une fille anorexique (Kate), pas de vie sentimentale, une prostituée de luxe pour toute vie privée (Tay), une consommation ostentatoire, etc. Ces épisodes donnent à l’auteure la possibilité de tirer à vue sur la société contemporaine en en pointant les multiples travers, avec un sens rare de la formule vacharde. L’art même est l’objet d’une colère de la fille anorexique à moins que ce ne soit la vengeance de la mafia russe : une coûteuse installation de Damien Hirst sert de victime sacrificielle : un requin bien sûr !
La romancière bâtit un thriller financier particulièrement astucieux et haletant sur les lendemains de la crise des « subprimes » et jusqu’à la plus brûlante actualité. On croise diverses personnalités des milieux financiers, des médias et de la politique et jusqu’à Naomi Klein prenant des notes pour son prochain livre au milieu d’une fête des VIP : ces facéties peuvent nous faire sourire. Mais peut-être avons nous tort. Flore Vasseur termine son roman là où Barjavel commençait « Ravage » ! Est-ce ce que le monde vient d’éviter ? Ou le scénario de l’imminente et ultime crise du capitalisme ? Voyez le titre. Bonne lecture… et surtout vendez si le Dow Jones flirte avec les 10 000 points !
— Trop tard, il a dépassé 11 000.
• Flore VASSEUR : Comment j’ai liquidé le siècle. Éditions des Équateurs, 2010, 315 pages.