Voici une petite comédie à l'italienne par un romancier déjà connu pour "La maladie humaine" consacré à sa psychanalyse. Il remet ça avec "Le Chant des Baleines" et son apparente drôlerie.
Le narrateur — Costante semble-t-il — était amoureux de Mavina et de Marina quand il était à l'université. Lui en sciences. Elles en lettres — une faculté présentée avec humour comme un gynécée. Ses études achevées, le narrateur a donc épousé Mavina et des années plus tard il s'en mord les doigts car elle le "trahit" avec un nouveau psychanalyste. Comme il le confie à Marina qu'il se décide à revoir au bout de vingt ans de mariage, « J'ai l'impression de n'être plus son mari. Elle est en analyse, tu sais.» Et plus précisément : « En bref, c'est comme s'ils venaient dans mon lit et faisaient l'amour entre eux.» En soulevant la lourde métaphore, on trouve le fond du problème : la question du secret intime entre le mari et la femme. En allant chez le psy, Mavina lui livre le secret de son intimité. C'est la perte de ce secret que met en scène le narrateur irrité. « Elle fait sonner son réveil en pleine nuit pour noter ses rêves.»
Il faut dire que la comédie est amplifiée par le portrait du psychanalyste dès la première partie de ce petit roman ironique. Un première partie qui vaut le détour à elle seule comme on dit dans les guides. Le dottore est un autrichien ; il a exercé en Californie et gardé un lourd accent germanique même après son installation dans la péninsule. Il est décrit comme un débile qui fait des tests stupides comme le test de la chaise. Il faut dire aussi que le narrateur se retrouve chez le psychanalyste en famille : sa femme l'a fortement invité à venir assister à une séance, en compagnie des enfants. On atteint là le farcesque.
En somme, si on n'accepte pas de rire de la faculté des lettres et de la psychanalyse, il est urgent de s'abstenir de cette lecture. Quant au "chant des baleines" c'est seulement un souvenir de voyage de Mavina dans le Pacifique, sans son mari. Oui, seulement un souvenir de voyage : comme le lustre japonais dans la chambre de… Marina.
Ferdinando CAMON : Le Chant des Baleines.
Traduit de l'italien par Yves Hersant, Gallimard, 1990, 120 pages.