Comme "le chant des baleines", "la maladie humaine" prolonge le récit des aventures de l'auteur avec la psychanalyse, dans un mixte de sérieux et d'ironie.
De Padoue, où il réside, l'auteur se rend à Venise, puis à Rome et à Milan pour trouver un psy prêt à l'écouter, car son champion local l'a placé en liste d'attente pendant deux ans. Le vénitien lui donne ses rendez-vous aux heures où il digère, le romain préfère recevoir une petite foule pour s'aventurer dans d'illusoires séances de groupes, et le milanais a inventé la séance rapide à l'aéroport. Ces échecs magistraux ne font pas perdre à l'auteur le désir d'une "vraie" psychanalyse. Celle-ci finit par arriver, avec l'élu bien sûr, celui qui, quand les sept années auront passé, et que la guérison sera survenue, ne sera plus que « cet homme si petit, si maigre, si vieux » dont l'auteur pourra conclure « je ne le connais pas.»
On ne sait pas ce qui a réellement poussé l'auteur jusqu'au cabinet d'un psy puisqu'à cette question il répond par une plaisanterie, mais, comme un chemin de croix, les maladies surgissent durant la cure : violent saignement de nez, crise de colique néphrétique, etc. L'analysant vit ces expériences de maladies comme une heureuse série d'opérations de nettoyage de son corps et de son esprit. En revanche il s'attache bien trop aux patients de son psy, cherchant à les espionner s'il s'agit de femmes, bien que le psychanalyste s'organise suffisamment pour que ses patients ne se rencontrent pas. Une mention particulière doit être donnée au thème récurrent du silence, celui du psy comme celui de l'analysant qui parfois reste plus de vingt minutes voire toute une séance sans desserrer les dents.
Mais Ferdinando, comme les autres, ne fait pas une analyse en totale impunité. « L'analyse est à l'homme ce qu'une guerre civile est à l'Etat. Il peut arriver ou plutôt il arrive toujours, qu'au cours d'une guerre civile on ne se batte pas dans toutes les rues, mais l'Etat ne peut exiger a priori que certaines rues soient préservées des combats : s'il l'exige, tous les guérilleros viendront y chercher refuge, et il finira par s'apercevoir que ces rues mêmes qu'il voulait garder intactes se trouvent aux mains de l'ennemi, si bien qu'il devra les détruire. Tel est le sort qui attend celui qui entreprend une analyse en se disant : "Je parlerai de tout, sauf de ma femme, ou de mes enfants, ou de mon travail, ou de ma mère." Il se verra contraint de ne parler que des sujets qu'il voulait éviter.»
Ce récit n'apprend pas énormément sur la psychanalyse, ni sur l'Italie, mais se lit avec intérêt, principalement la vingtaine de pages où des rêves de l'analysant sont commentés. « Après sept ans d'analyse, je ne parle plus comme avant. L'expression "je n'écris plus comme avant" doit être prise au pied de la lettre : ma graphie est entièrement différente.» L'auteur s'en aperçoit le jour où à la Banque d'Italie le caissier lui refuse un paiement en raison d'une signature non conforme.
Ferdinando CAMON - La maladie humaine. - Traduit par Yves Hersant. Gallimard, 1984, 184 pages [Garzanti, 1981]. Paru en Folio en 1987.