L’écrivain argentin sera bientôt centenaire. « Le Tunnel » était l’œuvre d’un homme qui, dans une première existence, avait été physicien et surréaliste, et entamait alors une carrière de romancier, puis d’essayiste (signalons Nunca Mas, 1984, sur les crimes de la dictature argentine, inédit en français ; et plus récemment La Resistancia, 2000, disponible en français – voir le compte-rendu de Tistou ).
Juan Pablo Castel vit de sa peinture. Au Salon du Printemps 1946, sa toile “Maternité” est apparemment classique. « Mais dans le haut à gauche, par une petite fenêtre, on voyait une scène dans le lointain : une plage solitaire et une femme qui regardait la mer. C’était une femme qui regardait comme si elle attendait quelque chose, quelque appel affaibli par la distance…» Personne ne remarque ce détail, sauf Maria Iribarne, une jeune femme mystérieuse que le peintre va s’efforcer de retrouver.
Il s’ensuit une liaison qui devient vite orageuse entre Juan Pablo et Maria. Juan Pablo est trop possessif au regard de la vie que Maria mène entre un mari dans la capitale et un cousin, peut-être un amant, qui réside dans une estancia près de Mar del Plata. Aucune révélation de ma part : c’est l’incipit que dévoile que « Le Tunnel » est la confession d’un assassin. L’intérêt est donc ailleurs : dans la montée maladive de la jalousie qui ne peut aboutir qu’au meurtre comme un tunnel qui n’a qu’une issue : la fuite en avant.
Pour un roman qui date de 1948, la surprise qui n’est pas la moindre c’est de constater que cette écriture n’a pas pris une ride, tant par son approche d’une passion tragique, que par sa structure narrative tout en flash back.
Ernesto SABATO - Le Tunnel - Traduit par Michel Bibard, Points, 1995, 139 pages.