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Ragtime.jpgDoctorow tout court ! Le nom sur la couverture bleue et blanche de 1976 claque au-dessus des lettres multicolores du titre "Ragtime", ouvrage paru en France lors de la célébration du bicentenaire des États-Unis, peu avant l'élection de Jimmy Carter. Ce fut un succès éditorial. Il n'y aurait rien de commun treize ans plus tard pour le bicentenaire de notre révolution.

 

• Le roman se situe dans la décennie qui a précédé l'entrée en guerre des États-Unis contre l'Allemagne, sous la présidence de Woodrow Wilson, au temps où le ragtime était popularisé par Scott Joplin. L'action démarre dans la périphérie de New York, à New Rochelle, précisément là où l'auteur habitait une maison datant de 1906. C'est dans une maison semblable que le romancier installe la famille qui sert de base au roman, une famille anonyme composé de Père et de Mère, du Jeune Frère de Mère, du Grand-Père et du petit Garçon. Père dirige une entreprise prospère qui fabrique des feux d'artifices et des drapeaux. Alors on se dit que "Ragtime" doit être le roman de la middle class... En fait, pas du tout. La famille en question permet surtout d'ancrer et d'incarner le récit et de faire tenir une présentation de l'Amérique de ces années-là en évitant des développements encyclopédiques.

 

• Tout y est de la modernité de l'Amérique... Révolution des transports, triomphe du capitalisme et découverte du monde, naissance de la société du spectacle, puissance de la presse devenue quatrième pouvoir, immigration européenne et self-made men.

 

Le paysage urbain de la future Mégalopolis atlantique est quadrillé par les réseaux des trains et des tramways tandis que l'industrie automobile se développe : une Ford modèle T est l'un des personnages essentiels du roman où se croisent les hommes célèbres du temps. Henry Ford est invité par John Pierpont Morgan qui vient de créer un splendide musée et projette un voyage archéologique en Égypte. « Après les joueurs de rugby avec leur culotte en toile matelassée et leur casque de cuir, les archéologues étaient les personnages qui avaient le plus de prestige dans les universités.» De son côté Père participe à l'expédition de Peary en Arctique ; c'est un drapeau de sa société que l'explorateur plante dans la glace polaire. Houdini, le champion de l'évasion, qui a rejoint l'action dès la fin du premier chapitre, va vivre une expérience pionnière dans l'aviation. Un pauvre immigré juif, Tateh, rompt avec le travail en usine et devient un pionnier de l'industrie du cinéma. Sigmund Freud débarque d'un transatlantique entouré de confrères prestigieux mais trouve New York trop bruyant et démuni de toilettes publiques si bien qu'il retourne en Europe, contrairement aux millions d'immigrés pauvres débarquant à Ellis Island. La misère ouvrière inspire un puissant mouvement syndical et à la suite d'Emma Goldman les anarchistes croient à leurs bombes et au grand soir. La belle Evelyn Nesbit, première sex symbol de l'Amérique du XXe siècle figure à la Une des journaux lors du procès consécutif au meurtre de son amant par son mari. Doctorow s'amuse à bâtir son histoire avec des rencontres improbables : Jeune Frère surgit d'un placard face à la belle allongée nue dans la chambre d'Emma Goldman lui parlait féminisme et révolution en ces temps d'attentats anarchistes!

 

• Dans cette Amérique débordante de vitalité, un pianiste noir et bien sapé, Coalhouse Walker Junior, descend de sa Ford T devant la maison de New Rochelle où l'on a recueilli Sarah, une jeune femme noire qui vient d'accoucher. « Il la considérait comme une reine africaine en exil.» Ce musicien noir — on dit nègre dans le roman — va également devenir un héros du roman après que sa Ford aura été vandalisée par les pompiers de New Rochelle. La querelle, nourrie par la soif de justice et de respect d'un côté, et par le racisme de l'autre, ne peut que s'envenimer. L'intrigue passe par plusieurs stades avant de sombrer dans la tragédie — en même temps que le "happy end"... On n'en dira pas davantage pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur — surtout s'il a déjà vu le film — médiocre assure-t-on — qu'en a réalisé Milos Forman.

 

• Un magistral tour d'horizon de l'Amérique des années 1910 pour un grand bonheur de lecture.

 

• Edgar Lawrence DOCTOROW  -  Ragtime  - Traduit par Janine Hérisson, Robert Laffont, 1976, 330 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ETATS-UNIS
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