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D.Le Breton revient sur  son "Éloge de la marche" paru en 2000 pour constater combien le statut de la marche a changé. L'homme pressé d'aujourd'hui la pratique LeBreton-Marcher--jpgsur des tapis, dans des salles de forme, soucieux de son apparence et de sa santé ; marcher des jours par les vrais chemins, non les G.R. balisés, devient anachronique et l'auteur le déplore non sans quelque nostalgique amertume. Sa critique de la vie urbaine et de la modernité a des accents rousseauistes… Constat descriptif de facture très classique, cet éloge invite le lecteur à marcher dans la littérature des grands itinérants, de Jean-Jacques et  Stevenson à B. Ollivier ou Bashô, sans oublier Lacarrière, Gracq et bien d'autres encore. Le genre choisi ne vise pas à convaincre : à chaque lecteur d'inventer sa méthode afin de tirer profit de ces longues randonnées si enrichissantes pour le piéton du macadam.

S'il devient, dans sa déambulation urbaine, "le spectateur privilégié de la comédie sociale", comme le notait Baudelaire, s'il s'offre un temps de respiration en se baladant quelques heures près de chez lui, ce n'est pas comparable, pour Le Breton, à la marche de plusieurs jours, surtout en solitaire, sac au dos et ampoules aux pieds, où le but importe moins que le cheminement, sans souci de timing, sans recherche d'une quelconque performance. Seul au cœur des paysages, tous ses sens sollicités, le randonneur s'ouvre au monde. Le pas, le respir dans le silence, la sensation d'infinie liberté le rendent disponible. Oubliant ses soucis, sa "pensée flottante" devient méditation sur lui-même et sur son humaine condition : la beauté magnétique de certains paysages porte à la plénitude et à l'humble conscience de notre fragilité ; même,"elle sollicite en l'homme le sentiment du sacré".

Certes chacun ressent différemment l'environnement naturel et la marche n'est que "ce que le marcheur en fait"; "elle implique un état d'esprit" et reste infructueuse pour l'individu qui "ne lâche pas la bride de ses soucis et échoue à se rendre disponible à une sorte de lâcher prise". Là réside la difficulté.

Activité "qui ne sert à rien" sinon, et c'est l'essentiel, à prendre du recul sur soi-même pour mieux rebondir, la randonnée de longue durée s'offre ici une célébration renouvelée. Toutefois l'auteur la maintient loin du lecteur, comme une expérience initiatique réservée désormais, plus encore, à une poignée de "happy few".

David Le Breton - Marcher. Éloge des chemins et de la lenteur. Métailié, 2012, 166 pages.

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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