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Marcelli-Permis-d-obeir.jpeg    Bien que cet ouvrage date de 2009, les propos de D. Marcelli, pédopsychiatre, peuvent éclairer bien des parents et des enseignants qui peinent à se positionner en éducateurs exerçant l'autorité. Si certains discours sociaux en réclament le retour en force, aucun ne parle de l'obéissance : on la connote négativement en l'assimilant à la soumission, tout comme on confond l'autorité avec l'autoritarisme. Or, obéir n'est pas se soumettre et l'autorité n'est pas le pouvoir! Celui-ci se construit sur une relation de domination, celle là naît d'un rapport de confiance réciproque entre l'adulte et l'enfant. Selon D. Marcelli « l'obéissance élève, la soumission rabaisse ». La relation d'autorité n'est pas naturelle, parents et professeurs ont à l'apprendre pour "éduquer", conduire l'enfant à l'autonomie, l'autoriser petit à petit, différemment selon son âge, à la liberté d'agir et d'explorer le monde. Les stages organisés depuis quelques années pour apprendre aux parents à faire obéir leurs enfants s'inspirent des analyses de ce spécialiste.

    Père et mère doivent éviter autant l'autoritarisme que le tout permissif, très à la mode aujourd'hui : il faudrait laisser s'exprimer le potentiel du jeune enfant, ne pas entraver son épanouissement ni l'expression de ses talents… Ce laisser-faire sans règles ni normes lui procure un fort sentiment de toute puissance et le rend intolérant à tout obstacle à sa seule volonté. Il en résulte l'actuelle multiplication de sérieux troubles : oppositionnel (le TOP), d'hyperactivité (le THADA) ou des conduites (le TC). Car, de l'enfance à l'adolescence, tout jeune a besoin de sentir des limites à son vouloir. À l'inverse, l'excès d'interdits et de contraintes, le recours à la force ou à la séduction —« travaille pour me faire plaisir »—, inhibent l'enfant. S'il est en outre sans cesse dévalorisé, voire humilié, il ne peut réagir que par l'agressivité et la rébellion. Or, faire obéir reste le vrai problème de l'éducation et la condition première de tout apprentissage.

    Selon D. Marcelli, tout se joue dans la relation de confiance, la reconnaissance réciproque entre l'adulte et l'enfant. De l'enfance à l'adolescence il tente de "grandir" en testant les normes; l'adulte doit accepter de tolérer de "petites" désobéissances : c'est cette possibilité de désobéir qui, paradoxalement, mène l'enfant à obéir. Si les adultes parlent à l'enfant, justifient la règle et négocient son espace de liberté, il se sait reconnu, considéré, mais aussi "contenu" et rassuré. Le respecter ne signifie pas tout lui permettre; et c'est lorsqu'il a compris l'utilité de l'autorité adulte qu'il obéit.

    Quand, au square, le petit de trois ans tente de s'éloigner du bac à sable, quand il se saisit d'un couteau pointu, l'auteur souligne qu'il guette le regard de l'adulte : si celui-ci renonce à imposer son veto, s'il ne cède ni à sa propre peur ni à la colère mais parle à l'enfant, celui-ci obéit sans s'opposer : il a expérimenté un petit espace de liberté et l'adulte a su se frustrer de son pouvoir. De fait, « l'obéissance n'est pas la soumission » : l'enfant s'autorise à obéir s'il est parfois autorisé à désobéir.

• Daniel Marcelli - Il est permis d'obéir. L'obéissance n'est pas la soumission. Albin Michel, 2009, 263 pages.

 

Tag(s) : #EDUCATION, #ESSAIS
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