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Chaon---Livre-de-Jonas-.jpegUne lycéenne enceinte s'imagine aussi grosse qu'une baleine et comme elle s'interroge sur le nom du bébé, celui de Jonas lui vient à l'esprit. Aucune interprétation biblique très compliquée ne me semble devoir être recherchée pour donner plus de sens à ce roman, si ce n'est que comme le Jonas de la Bible qui ne comprend pas les intentions de Dieu, le Jonas du roman ne comprend pas les intentions de Nora sa mère : adolescente, elle a abandonné son premier-né, quelques années plus tard, elle a gardé le second, Jonas, justement. Pourquoi? Il n'est pas sûr que la lecture du roman fournisse une explication convaincante du revirement de Nora. Peut être n'a-t-elle pas compris qu'on lui retirerait son bébé dès l'accouchement, peut-être aussi qu'elle ne voulait pas réellement l'abandonner. En somme un qui pro quo, hélas tragique et susceptible de la conduire au suicide.

 

Les personnages de Dan Chaon (prononcez "Shawn") sont un peu tous à l'image de Nora : des personnages qui gâchent leur vie, des personnages cabossés qui surnagent dans leur existence tant bien que mal, plutôt mal que bien en fait. Jonas a été cruellement mordu par la chienne de la maison à qui il cherchait des crosses. Sauvé in extremis, mais défiguré, il ne cesse de poser la question à sa mère qui lui avait confié avoir eu un fils avant lui : « Où vont les bébés qu'on abandonne ?» Devenu adulte, du moins aux yeux de l'état-civil, Jonas part à la recherche de ce frère de sang et par conséquent aussi de son identité. Pour cela il abandonne la maison familiale — elle est vendue — il jette les souvenirs, ne sauve que quelques photos et prend la route de Chicago. Il travaille dans un restaurant où le personnel est hispanique et ne se fait guère d'amis. Ses cicatrices ne sont pas seules en cause : son comportement reste celui de quelqu'un qui communique difficilement avec les autres. Le jour où une agence a enfin retrouvé la trace de son demi-frère, Jonas éprouve de grandes difficultés à lui écrire comme à lui téléphoner. Alors, il se rend à St Bonaventure, Nebraska, là où Troy est barman et s'installe dans un "trailer" de location. Il se fait embaucher comme cuisinier dans son restaurant pour mieux l'approcher. Mais rien ne se passe comme on aurait pu l'imaginer. Troy a gâché sa vie à cause de la drogue ; il a été abandonnée par Carla sa femme, camée et infidèle, et comme il doit porter un bracelet électronique leur fils Loomis a été confié à la garde de sa grand-mère. Jonas va imaginer pouvoir se servir de son "neveu" pour apprivoiser son demi-frère.

 

"Nous sommes une famille" a envie de lui dire Jonas, sensible à la fragilité de leur identité et se désespérant comme une "fin de race", se voyant seul au monde. « Jonas se dit que Troy ne comprend pas. Qu'il n'imagine pas avec quelle facilité on peut disparaître de la surface du globe, avec quelle facilité le temps peut vous engloutir. Il repense aux cendres de sa mère se mélangeant à la terre au fond d'un fossé, quelque part dans l'Iowa, et aux racines des plantes qui s'en nourrirent avant de mourir elles-mêmes. À son grand-père. Plus de quinze ans se sont écoulés depuis la mort de Joseph Doyle et à ce jour, Jonas est peut-être la seule personne en vie à avoir aimé le vieil homme, à revoir très nettement son visage, à se rappeler les histoires qu'il lui racontait.»

 

La structure narrative a consisté à découper le tout en 36 chapitres, tous désignés par une date entre 1966 et 2002. En effet, Dan Chaon a mélangé la chronologie, un peu trop peut-être, dans le but d'éviter une chronique plate. Dans un but semblable, la part du rêve — chez Nora, comme chez Jonas — permet de s'éloigner un peu de la médiocrité des jours. Nora rêve d'une villa au bord de la mer où son aîné aurait été recueilli : elle est représentée en carte postale d'après une œuvre de Winslow Homer. Jonas rêve d'une autre vie, où Troy et Loomis l'auraient suivi au Mexique, pour exploiter un hôtel de bord de mer. La réalité est autrement grise et l'on se prend  à s'ennuyer voire à déprimer à la lecture de ce roman psychologique certes habile mais qui tarde à démarrer.

 

• Dan CHAON  -  Le Livre de Jonas. Traduit par Hélène Fournier. Albin Michel, 2006, 387 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ETATS-UNIS
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