Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

« Assez blanc pour être journaliste » au Figaro, Bertrand Dicale témoigne qu’« être métis n’est Dicale.jpegpas une chance.» Métis franco-guadeloupéen, l’auteur souffre de sa situation « toujours inconfortable, souvent douloureuse »; le métis embarrasse « parce qu’il n’est ni blanc ni noir.» Lui pour qui la couleur de peau ne fonde ni une identité ni une culture a peiné pour se construire une conscience identitaire cohérente ; toutefois, moins à Paris qu’aux Antilles.

Certes, il est bien porté en France aujourd’hui d’envier la chance des métis de posséder la double culture : on voit en eux la couleur du monde à venir… Discours hypocrite pour Dicale : même s’il est de bon ton de ne plus croire aux "races", au quotidien, « moins on en parle, plus la race existe »; ce racisme "gentil", non agressif, induit la duplicité des discours et des comportements des "blancs de souche". L’auteur se dit excédé de cette hypocrisie : la société française, atavique, devenue récemment composite, reste très endogamique et obsédée de classer les individus ; or le métis – ce "ni-ni" – reste inclassable au regard de la pureté d’une origine. Dicale ne se prive d’ailleurs pas d’ironiser : la France n’est pas métisse, seulement métissée contre son gré. C’est pire aux Antilles où on rejette les métis, preuves de la transgression honnie, de l’accouplement tabou d’un blanc et d’une noire : car cette société composite se rêve atavique. De même le métis n’existe pas aux États-Unis – à peine depuis l’an 2000 – où l’on ne reconnaît que les races pures. Selon Dicale, ce préjugé gagne la France : on tend à "démétisser" les métis. Très pessimiste, l’auteur les assimile aux Juifs : comme eux "maudits", il redoute leur éradication.

Sa perception et son analyse de la condition métis s’opposent à celles de F.Olivet. Pour lui, « notre histoire métropolitaine est pauvre en sang mêlé »; Dicale se montre beaucoup moins indulgent qu’Olivet quant au racisme criminel de l’histoire de France. Même si les deux auteurs partagent un point de vue similaire sur Dieudonné et sur le statut des métis aux U.S.A., Dicale n’est pas dupe de l’actuel éloge des métis en France et se montre beaucoup plus sensible qu’Olivet à la radicalisation mondiale du discours identitaire. Son essai, plus subjectif et personnel, sonne plus juste que celui d’Olivet : plus pessimiste, Dicale ne serait-il pas plus lucide?

 

Bertrand DICALE - Maudits métis - JC Lattès, 2011, 281 pages.

 

Tag(s) : #SCIENCES SOCIALES
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :