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Barrere-Buissonniere.jpegProfesseur en sciences de l'éducation, A. Barrère n'apporte pas de nouvel éclairage sur les caractéristiques de l'adolescence mais s'attache à montrer comment la sphère numérique —blogs, chats, jeux video, films— aide les jeunes à conquérir leur autonomie, à former leur caractère et leur personnalité, alors que beaucoup d'adultes nourrissent des préjugés négatifs infondés. On a tort de considérer ces "activités électives" comme du temps perdu. Une année d'enquête auprès d'élèves de 3° et de Terminale confirme qu'en marge de l'école et de la famille, les adolescents y « grandissent et se construisent », se mettent à l'épreuve, développent leur jugement critique et leur capacité d'autoévaluation. En outre, ces espaces d'activités choisies convoquent des compétences différentes de celles évaluées par l'école.

• La culture numérique et celle de l'écran permettent aux adolescents de conquérir leur individualité en se confrontant à quatre épreuves fondatrices. Alors que les adultes, —parents et professeurs—, les jugent addictifs et excessifs, ils y font preuve de mesure ; on les dit démotivés, ils se montrent capables d'engagement de forte intensité ; on les croit conformistes, ils sont assoiffés de singularité ; on déplore leur manque de projet, ils se montrent soucieux de construire leur propre chemin. Hyperactif, zappeur, connecté, tout adolescent a besoin d'être « à fond d'dans » pour se sentir exister et échapper à l'ennui né de savoirs académiques pour lui insipides et de trop faible intensité.

• S'il se conforme aux normes de son groupe de pairs, il cherche en même temps à s'en démarquer ; face au diktat des looks vestimentaires, la customisation permet d'être soi-même. Le turnover des goûts et des activités adolescents qui irrite tant les adultes répond à ce besoin de se singulariser : le jeune change autant que le groupe pour rester un peu différent ; car « pour être reconnu à part entière par ses pairs, il ne faut pas trop suivre ». Force est d'admettre, par ailleurs, que l'orientation fondée seulement sur les seules évaluations et résultats scolaires laisse à bien des adolescents le sentiment « d'être orientés » malgré eux : et beaucoup trouvent leur chemin —devenir disc-jockey, médecin urgentiste ou comédienne—, grâce à ces activités électives qui valorisent des compétences dédaignées par l'école et la famille.

• Il appert de cette enquête que l'ère numérique permet aux adolescents de nouveaux apprentissages d'eux-mêmes : en s'y confrontant à des stratégies et à des choix, ils développent leur capacité de réflexion : ces nouvelles pratiques, espace juvénile autonome, réalisent « une diversification des excellences et des talents que l'institution scolaire peine à mettre en oeuvre » selon Anne Barrère. Elle exhorte ainsi parents et enseignants à dépasser leurs préjugés, à relâcher leur emprise éducative en leur rappelant J.P. Sartre : « l'important n'est pas ce qu'on fait de nous mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous ».Rien de bien neuf, hormis l'outil numérique ; l'adolescence a toujours cherché son chemin contre l'école et la famille : « on ne se pose qu'en s'opposant » poursuivait le philosophe.

 

• Anne BARRÈRE - L'éducation buissonnière. Quand les adolescents se forment eux-mêmes. - Armand Colin, 2011, 228 pages.

 

 

Tag(s) : #EDUCATION
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