Cinq nouvelles, certaines sur un fond de Russie tout juste post-soviétique, décrivent une société en déconfiture et des liens familiaux en crise, mais aussi des jeunes amenés à faire une croix sur leurs espérances. L'écriture de Guelassimov est sèche, avec des phrases brèves, sans description, sans romantisme. Elle suggère simplement...
La nouvelle qui donne son titre au recueil met en scène des élèves de Terminale, Anton et Sacha, et deux jeunes enseignantes, Lydia et Eléna, sous le regard soupçonneux de leurs aînés, Ekaterina Mikhailovna, qui cherche à passionner ses élèves avec ses récits de bataille, et Edouard Andréïévitch, le capitaine qui avoue préférer les blondes. Mais voilà que Lydia Timofiéïévna ne vient plus assurer ses cours...
Dans le dernier texte, un collégien tient son journal, en 1995. Ses parents vont se séparer ; il apprend le piano chez une voisine et admire Audrey Hepburn, ce qui ne l'empêche pas de jouer à la castagne avec ses potes. « Anton Strelnikov m'a dit qu'il était tombé amoureux de la nouvelle prof d'histoire. Il aurait mieux fait de bouffer de la mort-aux-rats. Elle est aussi conne que les autres.» Anton est l'homonyme de l'adolescent du premier texte, qui n'avait pas encore trouvé la mort en Afghanistan, en 1986.
Les trois autres nouvelles évoquent d'une manière ou d'une autre la consommation excessive de vodka. Emélianov a conduit en état d'ivresse : il en résulte un accrochage avec la voiture des voisins "caucasiens" et c'est un couple dont la vie est menacée. Une jeune mère célibataire et sans ressources dont le bébé tarde à marcher recueille un petit voisin délaissé par des « parents ivrognes », tandis que son ami ne veut pas assumer sa paternité et lui propose de s'installer à Moscou. Une femme reçoit sa fille cadette, Tatiana, dix-neuf ans, qui vit en couple avec un homme déjà père : il s'est vu confier la garde de sa fillette parce qu'« elle avait une mère alcoolique.» C'est là encore la vie quotidienne qui s'écoule sans joie particulière dans une Russie triste et plutôt violente. — Un regret : les éditions Actes Sud nous ont habitués à des couvertures esthétiquement plus réussies.
Andreï Guelassimov - Fox Mulder a une tête de cochon. Traduit par Joëlle Dublanchet. Actes Sud, 2005, 188 pages.