Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Linguiste engagé dans la lutte contre l'illettrisme, A. Bentolila monte au créneau : entre la harangue polémique du prochain président et le plaidoyer pour un projet de refonte totale du système éducatif de la maternelle à l'université, rien de très nouveau. Bentolila fustige Bento.gifles excès d'une école qui n'est plus guère républicaine, sacrifiant autant au marché de l'emploi qu'à l'élitisme des grandes écoles ; mais les valeurs qu'il défend, celles des hussards noirs d'antan, laissent sceptique.

Selon lui, l'école doit transmettre un patrimoine commun et des valeurs tout en formant des esprits libres: « lire, écrire, argumenter, compter restent les clés pour un vrai choix de vie personnel.» Apprendre, c'est d'abord accepter de suivre des codes et des règles arbitraires mais nécessaires à toute socialisation : l'école n'a donc rien d'un espace divertissant où l'enfant s'épanouit grâce à de gentils maîtres qui refusent de l'évaluer afin de ne pas traumatiser sa personnalité en devenir. Bentolila incrimine notamment le pédagogisme de l'éveil. À tous niveaux, le maître doit développer l'esprit critique des élèves, leur capacité à se former leur propre jugement afin d'échapper aux manipulations de la culture médiatique, des imams et autres gourous. Les valeurs clés? humilité devant les savoirs, respect de la pensée des auteurs, ouverture tolérante à l'autre, à sa différence, avec bienveillance et lucidité. Bentolila tempête contre les professeurs des écoles trop peu exigeants sur la maîtrise orale de la syntaxe comme du vocabulaire ; or toute l'acquisition de la lecture-écriture en dépend : on le savait!

Son projet de refonte du système s'appuie sur la conviction que l'échec scolaire n'a rien d'une fatalité et loue les vertus d'un bon accompagnement individualisé, des parcours différenciés et de la coopération parents-enseignants : ce discours n'est guère frappé au coin de l'innovation!

Bentolila exhorte le futur président à restaurer l'image sociale des enseignants, non seulement en les rémunérant mieux mais en valorisant leur mission, eux qui sont prêts au « dévouement, voire au sacrifice », pour former des esprits libres mais respectueux « du beau et du vrai », —selon quels critères?—, pour transmettre un patrimoine, —mais figé à la Lagarde et Michard ?— ; enfin pour enseigner aux jeunes que « tout ne se vaut pas », « le rap et Vigny », la réflexion philosophique et les bla-bla des cafés philo…

Quand en plus, Bentolila écrit que « devenir enseignant, c'est choisir son camp culturel et moral », on reste inquiet et dubitatif… Nul ne conteste que l'école laïque et républicaine vise à former des esprits capables de penser par eux-mêmes : mais comment y parvenir s'ils doivent s'interdire de questionner les auteurs et les savoirs? En outre, l'enseignant n'a ni à détourner l'élève de la culture de son temps, ni à lui imposer une échelle de valeurs ; il doit seulement lui permettre de se construire les outils conceptuels pour n'être jamais « indigné » sous influence, mais selon ses propres arguments.

Alain BENTOLILA - Au tableau, Monsieur le Président !

Pour une école enfin républicaine. Odile Jacob, 2012, 152 pages.

 

 

Tag(s) : #EDUCATION
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :