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En proposant à Amélie Nothomb, au printemps 2012, d'aller tourner un documentaire biographique au Japon dont on l'a "arrachée" tout enfant, France 5 lui offrait une nouvelle opportunité de mettre en scène son personnage d'auteur. Bien qu'elle appréhendât ce voyage organisé, elle l' a accepté car elle éprouvait alors le besoin d'être "sauvée" de son mal être, d'être "subjuguée": seul le Japon a ce pouvoir.

Malgré la caméra contraignante, la romancière vit une véritable "overdose sensorielle": à l'énergie chaotique de Kyoto, à la "pulsation" irrésistible du tempo tokyoïte s'oppose la froideur tragique de Fukushima détruite par le tsunami de 2001, de Kobé victime du séisme de 1995. À Shukugawa, le village de son enfance, l'auteur ne reconnaît qu'un…caniveau!

À l'inverse des Japonais qui jamais ne montrent leurs émotions, A. Nothomb ne peut contenir les siennes en retrouvant sa nounou, Nishio, sa mère spirituelle ; puis Rinri, le fiancé de ses vingt ans qu'elle quitta car elle le croyait "trop bien pour elle"... Toujours avec humour et beaucoup d'auto-dérision cocasse, A. Nothomb aime à se déprécier. Incapable de s'aimer, le sentiment de culpabilité la hante, la "pulsion de mort" l'habite ; elle refuse de se faire plaisir et ne vit que sous le regard des autres. Cette hyperémotive, "nostalgique invétérée", cultive le goût de l'échec.

Or ce voyage lui a permis de connaître un état de transe extatique, de plénitude intérieure —le “kensho”. Ayant perdu toute conscience de ses limites, elle s'est fondue dans la foule, "aspirine effervescente qui se dissout dans Tokyo". Elle, l'inconsolable nervalienne, la mélancolique saturnienne, venait d'éprouver la “natsukashii”, la nostalgie heureuse des Japonais : le bonheur de se remémorer un beau souvenir, comme Proust savait le faire, mais pas A. Nothomb! Sa capacité naturelle au "contact high", sa grande porosité à l'environnement, avait un moment fait taire son mental négatif.

Toutefois les mots de ce récit ne peuvent transcrire "l'indicible"; ils restituent seulement la "musique" de ce merveilleux "trouble": l'a-t-elle bien ressenti ou seulement inventé puisque "tout ce que l'on aime devient une fiction"?

A. Nothomb peaufine son personnage d'auteur qui la protège — en cela elle est bien japonaise!— et lui assure l'empathie de ses lecteurs : car pour eux aussi "S'attacher c'est souffrir". Tout est dit : A. Nothomb cette fois profondément sincère, simplement humaine...

 

• Amélie Nothomb – La nostalgie heureuse. - Albin Michel, 2013, 151 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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