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J’ai voulu lire ce roman en attendant de savourer La Maison vide qui semble figurer parmi les réussites de cette rentrée littéraire, avec déjà le prix littéraire du Monde.

Le 11 mars 2011 un puissant séisme ravagea la région de Fukushima et fut suivi d’un tsunami terriblement dévastateur. Cette catastrophe sert de toile de fond au livre original que Laurent Mauvignier a publié trois ans plus tard, et que l’éditeur qualifie de roman.

 

Il s’agit plutôt de nouvelles cousues bout à bout sans découpage en chapitres, mais marquées par l’insertion d’une photographie symbolique en lieu et place de titre. Ces histoires nous mènent réellement « autour du monde » : nous serons successivement au Japon avec deux jeunes gens en ballade sur la côte, puis en croisière au large de la Norvège, en visite à Jérusalem, à Moscou, à Dubaï, en safari en Tanzanie, en séjour d’amoureux à Rome, au large de la Somalie sur un yacht attaqué par des pirates, en Italie de nouveau avec deux retraités modestes, aux Etats-Unis avec un couple américain de retour de Thaïlande, puis avec les retrouvailles de deux frangins en Floride, et enfin avec une famille japonaise en visite à Paris. Tout cela le 12 mars, quand le monde est sous le choc de l’événement.

 

Dans la plupart de ces séquences la catastrophe japonaise apparaît pour marquer le lien temporel. Sur le navire de croisière OdysseA, l’ingénieur Khrenov explique en pleine salle à manger ce qu’est la subduction des plaques tectoniques qui a provoqué la tragédie. Autre exemple, à Rome, pendant que son vieil amant dort, Fancy regarde à la télévision les images du séisme et des incendies qui en résultent. Mais à Paris, la famille Sugita n’allume pas la télévision de la chambre d’hôtel pour tenter de cacher à la jeune Fumi qu’elle ne reverra plus ses grands-parents qui vivaient dans une ville du littoral au nord de Tokyo, où l’on se croyait protégé de tout tsunami par une digue de cinq mètres. Aussi lui propose-t-on d’enregistrer une cassette de ses souvenirs de Paris qu’on fera envoyer par la poste.

 

Ces nouvelles ont-elles d’autre intérêt que la simultanéité ? J’en retiendrai personnellement trois.

 

La première nouvelle que je retiens concerne les deux modestes retraités italiens, Ernesto et Gregorio, qui se sont laissés tenter par un voyage en autobus jusqu’à Nova Gorizia en Slovénie : ils vont jouer leurs économies au casino et en attendent naïvement monts et merveilles. À moins que les racontars qui les ont décidés à prendre leurs billets de bus ne finissent par créer un doute et miner leur détermination. Et puis Ernesto redoute de laisser son chien seul une journée. Or Geronimo n'est pas rentré... Un beau texte sur les hésitations.

 

Une autre nouvelle remarquable est celle où le jeune Stan, originaire de Seattle, dégoutté par ses parents, va rejoindre en autostop son frère aîné marié et installé en Floride et qu’il l'imagine devenu écrivain parce qu’il lisait Edgar Poe. Les épisodes d’autostop permettent de découvrir peu à peu la personnalité fragile d’un jeune homme contaminé par la propagande extrémiste (MAGA avant l’heure). Stan déboule à l’improviste dans un foyer qui ne l’attend pas. Très vite, Deanna, la belle-sœur, prend la mesure de la dimension toxique du jeune homme quand son mari ne semble pas trop s’offusquer de ses propos outrés concernant les Noirs, l’ouragan Katrina, et les risques nucléaires. Finalement c’est un échec pour Stan, déçu par l’Américain moyen qu’est devenu son frère, et une victoire pour Deanna.

 

Le séjour de Luli à Jérusalem pose la question de l’identité retrouvée. Née au Chili de parents venus de Pologne, elle se fait peur à s’imaginer un grand-père nazi pilleur des juifs en voyant tous ces tableaux signés Schlimmer dans leur maison. Elle s’est battue pied à pied avec sa mère pour connaître un bout de vérité familiale et c’est ce qui la conduit à Jérusalem pour retrouver des cousins perdus de vue. Adéma n’ira pourtant pas l’accueillir à l’aéroport Ben Gourion : elle est blessée par un attentat terroriste. Mais le lendemain Luli retrouvera Adéma à l’hôpital et de là entreprendra de redécouvrir son identité juive. C’est cette histoire qui m’a paru la plus réussie.

 

Laurent Mauvignier : Autour du monde. – Éditions de Minuit, 2014, 371 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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