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À la fin du 19e siècle, Bilal Seck, de retour de La Mecque après avoir accompli son hijab, emprunte le chemin de l’antique exode des Égyptiens vers l’extrême occident, là « où s’adosse le ciel », pour revenir chez lui au Sénégal.

Dans ce roman entre récit d’aventures et conte merveilleux, David Diop réussit à entrelacer deux temporalités : celle du mythique voyage et celle du pèlerin.

En conséquence ce roman nécessite une lecture exigeante.


 

Né de sang impur, Bilal appartenait à la classe indigne des esclaves. Scribe au service d’un noble, Yérim Thiaw, et griot par ailleurs, Bilal était le 72e porteur du récit des origines que sa grand-mère puis son père lui avaient transmis. Dépositaire de l’histoire de son peuple, il cherchait un successeur.

Cheminant aux côtés de son maître, ils atteignirent Djeddah où sévissait le choléra. Craignant que son esclave ne le contamine, son maître l’abandonna. Or Bilal échappa au choléra en raison de « la malédiction qui affligeait son sang d’infâme » : son cas intéressera d’ailleurs un médecin français, le docteur Jousseaulme.

Seul désormais il se remémorait les formules du premier passeur : « Je suis le voyant, l’élu des élus, le lien vivant entre le passé et le présent ». Bilal fit route par la pensée avec les « sacrilèges », les Égyptiens maudits, conduits par le grand prêtre Ounifer qui rêvait de les libérer et de refaire société à l’Extrême-Ouest. Le général Ptahhotep et ses soldats les encadraient. À chaque étape Bilal se récitait un passage du chant des origines qui correspondait au lieu où il se trouvait : sa vie venait se superposer à l’ancien récit. Il ne cherchait pas de l’or mais le secret perdu de « la conservation des corps intacts après la mort » sinon les morts risquaient « une malheureuse réincarnation ».


 

De retour à Maka, son village près de Saint-Louis du Sénégal, Bilal épousa Salimata ; hélas, leur fille Nételli naquit muette en 1896. C’est par « la voix silencieuse de l’écriture » qu’elle transmettra le récit des origines au 74e vénérable.

Ce périlleux retour a transformé Bilal : les épreuves endurées l’ont accompli et il sait désormais que « les trésors des dieux sont les hommes ».

Ce roman se mérite et le détour par l’Égypte ancienne invite à interroger notre rapport au politique à travers les propos du chef du clergé de toute l’Égypte : « le commun des hommes doit ignorer comment on les dirige. Si les gens ordinaires en venaient à connaître les arcanes du pouvoir, ils perdraient bientôt leurs illusions de justice. Ils découvriraient leur véritable état de bêtes de somme manipulées  par les puissants ».


 

David Diop : Où s’adosse le ciel. - Julliard, 2025, 363 pages.

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #SENEGAL
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