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Un auteur né à New York, habitant Londres et orphelin d’un père libyen qui a été enlevé au Caire par les sbires de Khadafi, n’était pas a priori l’homme qu’on attendait pour décrire un séjour d’un mois en Toscane motivé par la redécouverte de l’art siennois du Trecento.
Comme pour un pèlerinage, Hisham Matar avait prévu de faire à pied les 80 km séparant l’aéroport de Florence de l’illustre cité. Une blessure l’en a empêché. Sa femme l’a donc accompagné et l’a laissé faire seul ses visites. Ainsi on le retrouvera arpentant jour après jour les rues étroites reliant le Palazzo Publico, la Pinacoteca, ou encore le Palais épiscopal. L’écrivain a une façon bien à lui de visiter les musées ; son idéal est de contempler une œuvre une heure durant, debout, pour bien s’en imprégner. Voir d’y revenir le lendemain et le surlendemain. Il a rodé la procédure à la National Gallery de Londres. Il n’hésite pas à en faire autant à la Pinacoteca provoquant la compassion des gardiennes qui insistent pour lui procurer de quoi s’asseoir...
Hisham Matar s’est particulièrement intéressé à l’œuvre d’Ambrogio Lorenzetti, ces fameuses fresques du Bon Gouvernement réalisées avant la Peste noire de 1348. Il revient sur le choc sociétal de cette tragédie en appelant à l’aide le témoignage d’Ibn Khaldoun, cher à la moitié arabe de son univers culturel. Il a le bon goût de ne pas nous infliger des références tirées des guides que compulsent les touristes ordinaires, ni de dresser l’inventaire complet des monuments. D'autres reproductions qui accompagnent son texte permettent contre toute attente de faire connaissance avec quelques œuvres conservées hors de Toscane puisque l’ouvrage s’ouvre sur un magnifique Duccio de la National Gallery et se clôt sur un charmant Paradis du Metropolitan où l’on se persuade de voir Héloïse et Abélard — qui n’ont rien de siennois !
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Ce mois passé à Sienne n’est pas voué qu’à la seule découverte des peintres illustres parfois qualifiés de “primitifs”. C’est une pause dans sa carrière qui avait commencé avec l’architecture avant de s’orienter vers la littérature. Elle lui sert à se retrouver après la publication d’ouvrages importants, notamment celui consacré à la vaine recherche de la fin tragique de son père, dont la dépouille a disparu, et qu’il sait maintenant qu’il n’en résoudra jamais le mystère. Marcher dans Sienne ne suffit pas. Il lui arrive aussi de suivre des cours d’italien, de rencontrer des exilés, de retrouver une vieille amie, et toujours d’éprouver des impressions fugaces qui dessinent à petites touches une personnalité sensible capable de humer l’air du lieu, fut-ce d’une pièce, ou d’une impasse. Un grand merci à Sibylline pour m’avoir fait connaître cet auteur brillant grâce à sa Petite Liste.
• Hisham MATAR : Un mois à Sienne. – Traduit de l’anglais par Sarah Curcel. Du Monde entier, Gallimard, 2021, 136 pages. [A month in Siena, 2019]. Illustration : couverture de l'édition Penguin.