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Le comte Giovanni Pico della Mirandola (1464-1494) brille au milieu des figures humanistes de la fin du Quattrocento, se greffe sur l’histoire de Florence au temps de Laurent le Magnifique, tandis que ses essais lui valent d’être en délicatesse avec l’Église. Nous devons à l’écrivain suisse Etienne Barilier une fort convaincante biographie, à peine romancée, qu’il est désolant de ne pas voir mentionnée dans la page Wikipedia qui est consacrée à cet humaniste.

 

A la mort de sa mère qui lui a donné le goût des lettres, Giovanni abandonne l’université de Bologne pour celle de Padoue où il rencontre un premier entourage d’érudits, comme ce Marulle qui a échappé au massacre lors de la prise de Constantinople par les Turcs. Devenu l’humaniste le plus prometteur de son époque, il accueille Alde Manuzio dans sa bibliothèque avant que le Vénitien ne se lance dans l’édition. Il est l’ami de Marsile Ficin qui vient de donner la première édition latine de Platon. Des Juifs plus ou moins convertis l’initient à la Kabbale. A Florence, il rencontre le jeune Michel-Ange, devient l’ami de Botticelli et du poète de cour Politien.

 

Laurent le Magnifique lui réserve une villa près de Fiesole d’où l’on peut contempler Florence. Giovanni est invité à plusieurs reprises dans la famille Médicis. Il devient l’intime du tyran, particulièrement jusqu’à ses derniers jours quand le pouvoir de Laurent est attaqué par les prédications de Savonarole. Laurent apprécie le jeune érudit au point de favoriser une idylle avec sa cousine Margherita, les amants fuguent mais seront retrouvés et arrêtés par le mari ! A la suite de ce scandale, Laurent intervient pour sortir son ami de la prison de Pérouse. Par la suite, quand Giovanni se heurtera à la papauté d’Innocent VIII, le prince saura le protéger en Italie comme en France.

 

Gros lecteur, Pic de la Mirandole s’est mis en tête de synthétiser toute la tradition philosophique grecque, ou pour simplifier accorder Aristote et Platon. Mais aussi harmoniser les penseurs grecs avec la tradition chrétienne. D’où les 900 Thèses qu’il entend présenter à Rome devant un colloque international alors qu’il n’a encore que 25 ans et qui provoquent une condamnation pontificale pour parfum d’hérésie. La protection de l’homme fort de Florence lui est dès lors indispensable. Giovanni se consacre aussi à l’apologie de l’homme et à la condamnation de l’astrologie. Selon le jeune philosophe l’homme n’est pas déterminé, il est libre de s’affirmer... La Papauté n’apprécie pas non plus son Heptaplus, commentaire de la Création influencé par la tradition juive. Les aspirations de Giovanni à la perfection, à la pureté, entrent en conflit avec certains épisodes de sa vie privée. Après l’épisode Margherita, il reste hanté par son visage idéal qui a inspiré Botticelli, même s’il fréquente les bordels de Florence ou s’éprend de jeunes servantes.

 

Pour son secrétaire personnel, Cristoforo, un tel homme est promis aux plus hautes fonctions, et il le voit devenir cardinal pour le moins ! Sa déception va l’engager dans la rancoeur au point de l’empoisonner au mercure (ce qui a été confirmé en 2017) et de violer sa servante. Pic de la Mirandole a quitté ce monde le jour même où Charles VIII entra dans une cité de Florence dominée par l’austère Savonarole qui a discerné chez notre personnage un péché d’orgueil. Le titre s’explique par allusion à une conception médiévale du cosmos, en sphères célestes emboitées depuis la Terre jusqu’aux demeures des anges et de Dieu, « le dixième ciel », une vision que ces humanistes ont fait vaciller. Par certains aspects, cet étourdissant roman historique peut être rapproché de L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar.

 

• Etienne Barilier : Le Dixième Ciel. - Julliard/L’âge d’Homme, 1986, 445 pages. Réédition Zoé en 2001.

 

Tag(s) : #DE LA RENAISSANCE AUX LUMIERES, #FLORENCE, #BIOGRAPHIE
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