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Avec ce roman se clôt la trilogie de « La vie des autres », saga de la famille Belhaj commencée en 1944 lorsque Mathilde, jeune alsacienne a épousé Amine, marocain, combattant dans l’armée française. Deux enfants leur étaient nés : Selim, devenu photographe aux USA et Aïcha, mariée à Mehdi. L’émancipation de leur deux filles constitue le fil rouge de ce troisième roman. L’histoire des Belhaj évolue dans le contexte de l’histoire mondiale de 1980 à 2021 : ainsi retrouve-t-on l’invasion du Koweït par Sadam Hussein en 1990, la chute du mur en 1999 ou les attentats du 11 Septembre 2001.

 

Toujours en fond ce leitmotiv repris par Selim: « Peut-on à la fois être d‘ici et de là-bas ? ». Le récit s’articule autour de la figure de Mehdi, le père, entraînant la famille de l’existence heureuse à la « vie de malheur ». Leïla Slimani se démarque de la narration classique des sagas familiales en s’introduisant dans son récit entre le prologue et l’intermède :  concevoir un roman n’a rien d’un parcours de santé !

 

Les deux filles passent le cap houleux de l’adolescence. Au lycée Mia expérimente les joints, l’alcool et se découvre homosexuelle. Bonne élève elle réussit HEC et s’évade enfin à Paris ! Son père, bien qu’il souffre de ce départ, exhorte Mia à trancher ses racines : « Ne reviens pas. Allume un grand incendie et emporte le feu… Ne transige pas avec la liberté, méfie-toi de la chaleur de ta propre maison.» Inès suivra sa sœur à Paris. Tombée amoureuse et déniaisée par son professeur de Français elle deviendra médecin comme sa mère. Toutes deux se confrontent au racisme et Jérôme, le copain d’Inès lui fait remarquer : « Pourquoi s’embêter à venir en France, dans un pays où beaucoup de gens ne veulent pas de vous ? » Selim constate l’égocentrisme américain : « Ils ne s’intéressent pas beaucoup au reste du monde… Ils n’aiment pas les Arabes.»

 

Le côté sombre du roman vient des hommes : Amine décède et Mehdi, directeur de la banque du Maroc est limogé puis incarcéré : « la seule logique c’était celle de l’arbitraire, de la Cour, des médisances. Il s’est fait des ennemis et un jour on l’a débranché ». Malade il décède après sa remise en liberté.

 

Cette saga familiale se distingue dans le genre et tire son originalité de la « leçon »  finale : pour devenir un adulte libre, il faut couper ses racines et ne pas revenir, mais accepter d’être un étranger où que l’on aille.

Tout était dit dès l’exergue: « Celui qui quitte le Sud en devient déserteur » (Erri de Luca).

 

• Leïla SLIMANI : J’emporterai le feu. Gallimard, 2025, 429 pages.

Lu par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #MAROC
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