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De la Shoah on connaît surtout la responsabilité du nazisme, mais le IIIe Reich n’est pas seul dans cette opération criminelle. Pour faire connaître le génocide des Juifs perpétré en 1941 par les Roumains sous la dictature d’Ion Antonescu, Lionel Duroy a recouru au roman.

Voici donc la journaliste française Adèle Beaulieu qui a gardé pour son métier le patronyme de ses parents : Codreanu. Sa connaissance de la langue roumaine lui vaut d’être envoyée par sa direction en Roumanie pour s’entretenir avec le président qui est susceptible d’annoncer sa candidature à la réélection.

Elle est fille d‘émigrés roumains qui ont fui leur pays au temps du dernier tyran, Nicolae Ceaucescu. Son mari l’accompagne et la pousse à profiter de ce séjour pour rechercher des gens qui ont connu ses parents et la famille Codreanu. Adèle découvre ainsi que l’émigration de ses parents a valu la prison voire le suicide pour les grands parents.

Elle découvre aussi que son grand-père paternel avait été un pilier de la dictature de Codreanu, impliqué dans les massacres de Juifs à Iasi, avant de devenir un responsable du régime communiste. Ces massacres d’Iasi où les militaires et civils roumains ont tué au moins 15 000 juifs en juin 1941 la touche d’autant plus que c’est la ville où vivaient ses parents et qu’ils ne lui en ont rien dit, sans doute parce qu’ils sont nés après 1945, ou plutôt par déni.

Adèle est abasourdie de voir que les gens qu’elle rencontre sont pour la plupart ignorants des violences commises sur les Juifs en 1941-42 par l’armée roumaine, en Roumanie proprement dite et dans les régions contrôlées momentanément par elle, à savoir la Moldavie et la Bukovine qui est aujourd’hui en Ukraine. Elle est choquée de constater que bien des gens rencontrés ne veulent rien savoir du sort qui fut réservé aux Juifs, voire ignorent qu’il y en avait là où ils vivent. Après 1945, leurs maisons ont été affectées à des Roumains ou à des Soviétiques selon la région.

Dans un second voyage, accompagnée ensuite de son jeune amant roumain, qui fait office de traducteur quand les témoins parlent russe ou ukrainien, Adèle accumule des témoignages en rencontrant divers témoins, un ancien médecin, un ancien maire, et des amateurs d’histoire. Quelques-uns lui conseillent les récits d’Aaron Appelfeld (« Histoire d’une vie ») et Edgar Hilsenrath (« Nuit »), qui ont échappé par miracle aux marches de la mort et aux fusillades. Ils ont bâti une œuvre littéraire dont des extraits sont cités dans le roman. Adèle est tellement prise par ses découvertes qu’elle envisage de s’installer dans la région.

Voilà donc un roman instructif, de lecture agréable — ne pas s'arrêter à la couverture désastreuse !  — un roman bien pimenté des amours d’Adèle et de Lucian, et qui invite à lire Appelfeld et Hilsenrath voire de savants ouvrages historiques cités en bibliographie. Au total, selon Yad Vaschem, 380 000 à 400 000 Juifs furent assassinés dans les régions contrôlées par la Roumanie sous la dictature d'Antonescu. 

 

Lionel DUROY : Mes pas dans leurs ombres. - Mialet-Barrault Editeurs, 2023, 252 pages.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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