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Dans Madelaine avant l'aube, Prix Goncourt des Lycéens 2024, Sandrine Collette retrouve l’atmosphère sombre et angoissante de son précédent roman Nous étions des loups. Dès le prologue le lecteur peut s’attendre à une dystopie tragique où, dans une nature inhospitalière, les hommes ressemblent à des bêtes. L’autrice s’autorise quelques fantaisies en variant les narrateurs : au début c’est Bran l’un des protagonistes, puis c’est un chien, enfin c’est l’autrice elle-même qui poursuit le récit qu’elle aime à ponctuer de phrases interrompues…
Au hameau des Montées, étranglé entre le fleuve Basilic et la forêt, en un temps reculé et vague vivent des paysans pauvres dans de misérables fermes : ainsi débute le conte.
Près de chez Ambre et Léon, un couple sans enfants, survivent Aelis, Eugène et leurs trois fils. Plus bas une vieille guérisseuse, Rose ; oubliée de ses enfants elle a autrefois recueilli Bran. Le temps s’écoule, cyclique et lent. Écrasés par l’impôt, fatalistes et soumis au destin. « Nous avons choisi le silence. Nous sommes des lâches mais nous sommes vivants » clame Bran. Avec la famine qui s’invite chaque hiver , « d’année en année ils sont de plus en plus pauvres » et « les parents voient s’éteindre leurs petits : c’est cela la vie, crever ensemble. Et ceux qui résistent sont devenus des animaux ».
Surgit Madelaine, une « fille de faim » une sauvageonne. Ambre la recueille : elle amène la joie mais en elle se love une rage de vivre, un refus des interdits. Au cours d’un hiver rigoureux elle entraîne les enfants affamés dans la forêt et tue un chevreuil sur le territoire de chasse du maître, M.d’Ambroisie. Tous ont, « dévoré à en crever » cette viande inespérée mais redoutent d’être découverts : car « nous avons transgressé quelque chose » craint Bran. « On ne touche pas aux bêtes du maître ». Ces petit paysans qui « ont la crainte vissée au corps, transmise par leurs parents » restent stupéfaits de l’audace de Madeleine. Peu à peu Bran perçoit la menace qu’elle représente pour eux tous ; « elle est un feu dangereux pour elle et pour nous »… « Ce qui doit arriver arrivera » conclut-il. Eugène, lui, a « toujours senti que la petite amènerait le malheur ». Or dans la forêt, lieu de tous les dangers dans les contes, le Fils d’Ambroisie poursuit les jeunes paysannes pour abuser d’elles : aucune ne s’est jamais plainte car telle est la coutume. Mais Madeleine s’insurge, et plonge le hameau dans la tragédie, entraînant la fin d’un monde...
Autrice de romans policiers, Sandrine Collette donne sa pleine mesure dans le roman noir. Dans Nous étions des loups elle affirmait sa puissance narrative. Ce nouveau roman, certes émouvant, n’immerge pas autant le lecteur. Reste qu’il prête à une judicieuse réflexion sur la nécessité de résister à toute forme d’oppression.
• Sandrine COLLETTE : Madelaine avant l'aube. - JC Lattès, 2024, 247 pages.
Lu par Kate.