Nina Nikolaevna Berberova est née russe en 1901 à Saint-Pétersbourg et morte américaine à Philadelphie en 1993, mais au sortir de la Russie révolutionnaire elle a passé une vingtaine d'années en France si bien qu'elle a établi elle-même la version de ce livre paru en 1988 dans notre langue.
Naturellement il s'agit d'une histoire d'émigrés russes ! Alexei Astachev s'est installé à Paris en 1925 et ce court roman s'y déroule sur quelques années, le temps qu'il atteigne la quarantaine. Son père est décédé mais Alexei n'est pas seul dans l'exil, il rend visite à sa mère, Klavdia Ivanovna, qui vit modestement, et à la seconde épouse de son père, Xenia Andreevna qui vit en mondaine entretenue et tient salon. Par intérêt celle-ci le pousse à quitter son emploi de représentant de commerce pour devenir agent d'assurances. Et voilà notre vieux garçon courant de rendez-vous en rendez-vous pour placer des polices d'assurances-vie.
Ainsi voit-il de riches rentiers, concernés ou pas par son offre, ou encore un sculpteur plutôt intéressé par sa conversation. A tous il parle de leur mort quelle que soit leur croyance. Il qualifie d'Asiate ou de Mongol ceux qui lui claquent la porte au nez. Par ailleurs, la rencontre d'une certaine Genia, habitant le même immeuble que Xenia, et caissière dans un cinéma, est l'amorce d'une liaison. Il la croise à plusieurs reprises, l'invite à l'opéra puis chez lui. Mais juste après Genia met fin à ses jours. Sans doute n'a-t-il pas su lui insuffler un amour-passion ni lui promettre le mariage alors que, pourtant, elle avait apprécié son « ineffaçable “russicité” ».
Quelles que soient les réflexions qu'inspirent à la fois le métier d'Astachev et cet échec amoureux, cette œuvre de Nina Berberova nous rappelle que les Russes blancs de l'émigration formaient en région parisienne une communauté relativement soudée.
• Nina Berberova : Astachev à Paris. Actes Sud, 1988. Repris par Babel en 2004 dans Les Récits de l'exil, volume I. Également chez J'ai lu, 1991, 124 pages.