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C'est une date que l'on retient comme Marignan 1515. Une date symbolique. « Constantinople 1453 », la chute de l'empire grec dit byzantin, la fin du Moyen-Âge... Avec ce sixième titre de la collection Champ de Bataille, Sylvain Gouguenheim propose une lecture passionnante du sujet, une lecture érudite avec ce qu’il faut de cartes, de notes, et de bibliographie. Il passe en revue les sources, tant grecques que turques, d'un siège qui s'est brutalement achevé le 29 mai 1453 — donc contemporain de la fin de la Guerre de Cent Ans — par la mort de l'empereur Constantin XI Paléologue surnommé Dragasès et le triomphe de Mehmed II qui n'avait que 21 ans.

 

Les murailles de Théodose qui avaient résisté depuis un millénaire ne résistèrent pas à six semaines d'assaut à coups de bombarde. Mais le livre ne se limite pas à des considérations de poliorcétique. Bien préparés, les Turcs — disposant d'au moins 150 000 soldats — ont encerclé la capitale d'un empire déchu, déjà prise et pillée en 1204 par les Latins de la IVe croisade. L'empire grec ne s'était jamais relevé complètement sous la dynastie des Paléologues et l'auteur examine les différents aspects et raisons de son affaiblissement du XIIIe au XVe siècle. Constantin XI avait réclamé l'aide des Occidentaux mais la division entre Chrétienté romaine et Chrétienté orthodoxe avait compliqué et retardé les engagements de la Papauté et des princes les mieux disposés comme le duc de Bourgogne dont les troupes avaient déjà été battues près de Constantinople. Ainsi Constantin XI, souverain quasiment ruiné, disposant de peu de soldats, n'avait pu disposer que de quelques soutiens venus de l'Ouest, comme la petite troupe des mercenaires génois de Giustiniani. Les Turcs avaient donc l'avantage du nombre, et de la puissance de leur artillerie. Leur flotte tenait la mer, mais la Corne d'or restait protégée par la fameuse chaîne qui en filtrait l'accès, joignant les vieux remparts à Galata.

 

L'horreur de la bataille culmina à la fin avec les exécutions des soldats adverses, même constitués prisonniers, les massacres d'une partie des habitants, les viols et les pillages ; rien de bien différent de ce qui se passera à Magdebourg au siècle suivant. Mehmed II a fait parfumer les rues pour atténuer la puanteur, s'est installé dans sa nouvelle capitale et a lancé réparations et embellissements, grâce entre autres à l'architecte Sinan un grec converti. La dimension de guerre sainte est certaine, la chute de la Ville était prédite par le Coran.

 

L'auteur examine avec soin les conséquences à court et long terme de la chute de la ville. Plusieurs milliers de Grecs ont pu fuir, notamment vers l'Italie. Loin de se souder les Italiens se sont divisés, Gênes et Venise s'accusant mutuellement d'avoir failli — sans compter qu'ils ont perdu leur position commerciale. Les Turcs ne s'arrêtèrent pas à la prise de l'ancienne Byzance qu'ils appelleront Istanbul, les îles grecques, le Péloponnèse, les Balkans étant progressivement conquis. On s'attendait désormais à l'attaque de Rome. Le péril turc allait effrayer l'Europe jusqu'en 1683 quand le siège de Vienne serait levé. En même temps les Grecs songeaient à se soulever et à reprendre Constantinople, à moins que la Russie des Tsars — qui proclamaient Moscou troisième Rome — ne s'en empare. La portée de l'événement n'est bien sûr étudiée qu'au plan géopolitique. Sinon on aurait pu y adjoindre tout le mythe entretenu par la littérature... et pourquoi pas jusqu'à la Prise/Prose de Constantinople de Jean Ricardou (1965, éditions de Minuit).

 

Sylvain Gouguenheim : Constantinople 1453. La Ville est tombée ! - Perrin/Ministère des Armées. 2024, 360 pages.

 

 

Tag(s) : #HISTOIRE MOYEN AGE
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