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Les souvenirs d'une enfance et d'une adolescence à la ferme, tel est le sujet de cet attachant roman de Paola Pagani qui se met en scène sous le nom de Pia, fille de paysans du nord-est de la Charente.
Les parents ont choisi pour leurs enfants des prénoms qui rappellent leurs racines italiennes toujours vivantes : Dora et Valma, les aînées, Pia la narratrice, Mila la cadette et le grand frère Adamo. Outre la fratrie, la ferme, la scolarité, les voisins et la nature sont les grands thèmes abordés dans ce roman notamment centré sur les années 70.
La ferme est vouée à l'élevage laitier sur des terres louées pour moitié. Pia admire les imposantes vaches de race limousine. Elle aide au travail à la ferme, sans rechigner, tout au long de sa scolarité. Pourtant l'entrée au collège marque une première rupture avec la vie au village. Pia est pensionnaire dans un établissement tenu par de sombres religieuses. L'entrée au lycée marque une nouvelle rupture avec la découverte de la ville, et du discret mépris des filles de la bourgeoisie pour la fille des ploucs pauvrement habillée. Souvent isolée, Pia réagit en s'ouvrant à la poésie et ses souvenirs s'émaillent de quelques vers recopiés et appris pour tromper l'ennui loin des siens dans l'internat gris et glauque. Des années plus tard, ces vers sont restés et la lycéenne devenue poétesse.
Pleine d'empathie, Pia visite sa grand-mère, Nonna, qui cueille des orties pour les chèvres qu'elle élève dans un hameau proche, s'inquiète des voisins très âgés comme la vieille Armande qui végète dans sa minuscule chaumière ainsi que des voisins de sa génération, comme Joseph, bossu et malade, dont les obsèques closent le récit avec le départ définitif du village. La mort est présente aussi avec les lettres d'un poilu de 17, la visite secrète des ruines d'un temple au milieu des fougères et des ronces, l'incendie d'une ferme voisine, ou encore le suicide des fermiers surendettés et désespérés.
En effet c'est une période marquée par la fin accélérée des petites exploitations familiales de polyculture et d'élevage. Pia a connu les luttes des Paysans Travailleurs et la résistance paysanne de ceux du Larzac. La sécheresse pénible de 1976 marque aussi sa mémoire. Le fils aîné, après le lycée agricole, ne reprendra pas l'exploitation paternelle, trop petite, et choisit d'autres horizons. Et les filles, les unes après les autres quitteront le village et la ferme familiale. C'est la fin d'un monde.
Ces souvenirs de la jeunesse passée au contact de la terre sont une célébration de la nature dans toutes ses saisons. À lire ces pages on respire réellement l'atmosphère villageoise ; le rude travail de la ferme n'est pas esquivé, bien au contraire, ça sent la bouse et le fumier ! Et en même temps le bonheur était là pourtant, sans faire de bruit.
On aime en somme ces chroniques douces-amères pour leur mélange de douceur pour les êtres et des dures réalités du temps qui passe.
• Paola Pigani : Des orties et des hommes. - Liana Levi, 2019, 294 pages.
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