Dubois s’est essayé à la relation compliquée d’un père et de son fils : la mort et l’eau tissent toute la dramaturgie de ce roman très sombre malgré quelques pointes d’humour... noir. Paul Lanski a fait le trajet de Toulouse à Montréal pour tirer deux balles dans la tête de son père déjà mort d’un AVC. Contraint à une obligation de soins pendant un an, il est suivi par un psychiatre. Chacune de leurs rencontres constitue un chapitre de son journal que Jean-Paul Dubois nous invite à feuilleter.
La mère de Paul, Marta, est morte en couches ainsi que son jumeau : ce « désastre originel » l’a traumatisé à vie, ce « trou » en lui c’est « l’origine des larmes ». La haine l’habite depuis l’enfance, haine de ce père, « butor calculateur et sournois », trafiquant véreux qui s’est enfui en Italie à sa naissance. Directeur de l’entreprise de housses funéraires Stramentum héritée de Rebecca, sa seconde mère, Paul vit de la mort et dans l’obsession de la mort. Il mène une petite vie solitaire, refuse tout lien social et ne communique, en dehors de son docteur, qu’avec une IA nommée U.No, un chien de passage et un marin aventurier, Jonas, qu’il suit sur Internet. Pour Paul, « le monde extérieur est un voisin invasif ».
Était-il nécessaire d’en rajouter en empruntant à « la Vie Heureuse » de Foenkinos, paru en 2024, quelques semaines plus tôt, et contrepoint à « l’origine des larmes » ?
Eric, le héros de Foenkinos, se rend à Séoul , « la ville la plus triste du monde », au fort taux de suicides. Il erre dans la ville et découvre le centre « Happy Life » où, enseveli trente minutes dans un cercueil, le visiteur, après cette introspection, retrouve « le goût de la vie » (Gallimard p.93). De même, parti à Séoul pour un voyage d’affaires, Paul Lanski découvre le centre « Happy Dying » : après trente minutes dans leur cercueil les clients sont « heureux de retrouver la vie » (Gallimard p.144). Mais Paul, dans son rejet de la vie, ne tente pas l’expérience de ces funérailles fictives. Néanmoins ces similitudes interrogent !...
Le roman ne pouvait finir que tragiquement ; mais de cet hyperréalisme morbide qui touche au burlesque n’émerge aucune perspective au-delà de l’issue fatale et prévisible du 20 février 2032. D’ailleurs Jean-Paul Dubois naquit un 20 février...1950.
Déprimant !!!
• Jean-Paul Dubois. L’Origine des larmes. Éditions de l’Olivier, 2024, 245 pages.
Chroniqué par Kate