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Sabyl Ghoussoub écrit sur l'exil de ses parents installés dans le XVe arrondissement de Paris, sur le front de Seine. Entre 1975 et 2020 la vie au Liban n'avait rien d'un long fleuve tranquille. Ils ont donc quitté l'enfer de Beyrouth pour Paris, emportant avec eux leur univers familier et familial. 

 

Les séances d'interview n'ont pas été faciles. Les parents ont cherché à esquiver. Sabyl a persévéré... Et le passé ressurgit... Kaïssar, son père, pratique et édite de la poésie arabe, il enseigne l'arabe et le traduit. Il travaille pour les journaux arabes de Paris, il admire Saddam Hussein qui les finance, déteste Hafez el-Hassad et Khomeini plus encore ; il parle fort dans les cafés. Hanane, sa mère, travaille dans une galerie d'art tenue par un compatriote. Surtout, elle court après les épices et cuisine pour ses amies. Elle passe beaucoup de temps à entretenir les liens familiaux au téléphone puis sur WhatsApp. Rien n'est plus important pour elle que la famille restée au Liban.

 

Les parents ont cru que Paris serait assez éloigné du Liban pour échapper aux éclaboussures de la guerre civile qui y a commencé en 1975. À Paris pourtant ils sont rejoints par les contrecoups des drames du pays, à preuve les sanglants attentats des années 70 et 80 quand les clans du Moyen-Orient s'y affrontent. À Beyrouth-sur-Seine ils vivent presque en direct les horreurs du Liban, les explosions, les massacres. Au début ils n'avaient pas l'intention de rester en France ; ils gardaient le projet de retourner vivre au pays quand le calme serait revenu. Les années s'écoulent... Les rêves s'écroulent...

 

Les chapitres, brefs, sont toujours datés. Le narrateur jongle avec les époques : début de l'exil parisien, années d'avant sa venue au monde, et début du XXIe siècle quand le narrateur devenu écrivain voit lui aussi ses projets libanais s'évanouir.

 

Aux géniteurs s'ajoutent oncles et tantes, cousins et relations, des gens présentés comme pittoresques par l'auteur, y compris des criminels de guerre. Ils tous de la communauté chrétienne du Liban, les maronites. L'auteur montre au passage l'extrême division du pays où il n'est pas né, éclaté en une multitude de communautés, dont les principales s'affrontent dans une guerre sans fin : maronites, sunnites, chiites — eux mêmes divisés — en un conflit entretenu par les visées des pays voisins. L'idée de citoyenneté et de valeurs communes semble totalement étrangère aux compatriotes de ses parents. Communauté et famille avant tout !

 

En dépit de la tristesse des événements évoqués, de la litanie des attentats et des assassinats politiques, Beyrouth-sur-Seine est paradoxalement un livre joyeux, plein d'humour et qui donne le moral. La mère et le fils partagent l'amour du soleil et de la Méditerranée : on sera au moins d'accord avec eux sur cette passion.

 

Sabyl Ghoussoub : Beyrouth-sur-Seine. Stock, 2022. 270 pages dans l'édition Points.

 

 

 

Tag(s) : #LIBAN, #MONDE ARABE
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