Laideur et méchanceté se conjuguent dans La guitare. Ce conte noir, l'un des premiers textes de Michel del Castillo avec Tanguy, semble tout droit sorti d'un dessin effrayant de Goya. « Je suis laid. D'une laideur qui fait peur » proclame d'emblée le narrateur qui est un nain grimaçant, orphelin d'un puissant personnage de Galice, possédant fermes et bateaux.
Le nain fait donc vivre les gens de la ria, paysans et marins. Tous le détestent, même s'il offre leurs maisons aux paysans. La nuit il sort, erre dans la campagne, effraie les filles. On dit qu'il les viole. Une nuit, il se fait défigurer par une fermière effrayée. Depuis sa naissance, c'est Gaixa qui s'occupe de lui car sa mère n'est plus. Gaixa n'a pas bonne réputation, elle non plus. Les villageois la surnomment la Sorcière. On la retrouvera lapidée au cimetière.
Le nain n'a alors que 21 ans. Il est le Monstre. Désormais il vit presque toujours reclus dans sa maison de maître, où le personnel le sert sans le voir. Un homme va pourtant le sortir de la bibliothèque paternelle et lui faire oublier ses aventures nocturnes. Hébergé pendant des mois, le gitan Jaïro lui a appris à jouer de la guitare. La musique qu'il interprète maintenant lui donne l'espoir de briller lors de la Fête des Eaux. Le pouvoir de la musique n'est-il pas de briser cet enchaînement de passions mauvaises ? La déconvenue sera terrible.
Dans une postface écrite seize ans plus tard, l'auteur compare le nain en butte à ses compatriotes à l'écrivain accablé par les critiques littéraires. Devant ces papes de l'esthétique officielle, ces « dictateurs du goût », l'écrivain ne doit surtout pas s'incliner. Surtout un exilé anti-franquiste comme lui !
• Michel del Castillo : La Guitare. - Julliard, 1957. 150 pages dans l'édition Points.