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C'est l'un des premiers livres d'où est né mon intérêt pour la littérature italienne contemporaine. C'est aussi un titre un peu légendaire, source d'une expression synonyme d'attente stupide d'un envahisseur qui ne vient pas. C'est en fait l'histoire de Giovanni Drogo qui passe toute sa vie active dans un fort situé en montagne pour contrôler « une frontière morte » selon l'expression d'un officier.

 

Tout juste sorti de l'Académie militaire, le lieutenant Drogo est nommé au fort Sebastiani, à deux jours de cheval de la capitale d'un pays imaginaire. Il laisse sa famille et sa petite amie Maria, sœur de son camarade Vescovi. Cette nomination ne lui plait pas. Au fort, on lui fait comprendre qu'il en a pour deux ans, mais que beaucoup d'officiers restent plus longtemps, prolongeant leur service à cause de la magie de cette frontière. Du haut des remparts on contemple une vaste zone désertique bordée de montagnes arides. Il n'y a rien que du sable, de la caillasse, des rochers, à perte de vue. Souvent la brume en masque la vue. Il y a des siècles, peut-être, les Tartares sont venus attaquer par ici. Et parce que c'est une vaste fortification apparemment inutile depuis des lustres, les hommes du rang comme les officiers s'imaginent qu'adviendra quelque chose qui cassera leur routine, qui donnera du sens à leur présence et leur vaudra un jour — qui sait ? — honneur et gloire.

 

D'abord Drogo regimbe, mais ne voulant pas être pris pour un tire-au-flanc il laisse passer l'opportunité de partir au bout de quatre mois. Dès lors les années s'écoulent et il reste. Il s'est convaincu que les Tartares, ou en tout cas une armée venue du Nord, finira bien par surgir. On lui tend une longue-vue pour constater qu'il se passe quelque chose au loin. Fausse alerte : il s'agit simplement de militaires du Nord venus compléter le marquage de la frontière. Les années passent et les permissions aussi : Drogo est devenu indifférent à cette Maria avec qui il aurait dû faire sa vie. Drogo n'est plus capable d'assumer une autre vie que cette vie de forteresse. La cinquantaine advenue, Giovanni Drogo est certes monté en grade, jusqu'à commandant, mais sa santé est dramatiquement affectée.

 

L'impensable se produit ! Une armée s'approche à travers le désert où une route a été construite sans que l’État-major ne semble s'en émouvoir. Mais c'est trop tard par Drogo ! Il est évacué alors que de jeunes soldats montent au front et que de jeunes officiers sont annoncés qui prendront sa suite et peut-être la part d'honneur qu'il n'aura pas eue. Surtout, qu'on n'y voie pas une dénonciation de la vie militaire. L'auteur en décrit certes l'absurdité jusqu'à un certain point mais c'est surtout une charge contre un caractère qui n'a pas su prendre la vie comme il fallait.

 

Dino Buzzati : Le Désert des Tartares. - Robert Laffont, collection Pavillons, 1949. Traduit par Michel Arnaud, réédité en 2002. [Mondadori, Il Deserto dei Tartari, 1940]. Existe aussi en Pocket, 2004, 288 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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