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Le Cid, Chimène ? Tout le monde connaît leur histoire d'amour vue par Corneille. Mais qui sait que derrière ce personnage du Cid, il y a un véritable héros de l'Espagne du XIe siècle ? Arturo Pérez-Reverte dont on n'ignore pas le talent et la facilité dignes d'Alexandre Dumas fait de la figure légendaire un magistral personnage de roman avec Sidi, le seigneur qui campe et chevauche.

 

Déjà marié à Jimena, Ruiz Diaz a été banni de Castille par son roi Alphonse VI parce qu'il l'a ouvertement soupçonné d'avoir accédé au trône en ayant fait assassiner son frère Sanche II. Or Ruiz Diaz avait été son porte-étendard dans une précédente bataille, le siège de Zamora contre Ahmad al-Muqtadir, le roi de la taifa de Saragosse — taifa désignant le résultat de l'éclatement d'Al-Andalous en une multitude royaumes rivaux parfois amenés à s'entendre avec des chrétiens pour survivre. La Reconquista viendra plus tard...

 

C'est donc un roman de la frontière entre deux mondes séparés par la religion. « Au XIe siècle, la frontière du Douro et ses environs étaient notre Far West. C’était un territoire hostile sans loi ni maître, dépeuplé et dangereux, situé entre les royaumes maures et chrétiens, continuellement ravagé par des incursions militaires des uns et des autres à la recherche d’esclaves, de bétail et de butin » déclara l'auteur à El Pais, édition du 15 septembre 2019.

 

A la tête d'une petite armée privée guerroyant sur cette zone incertaine entre Espagne chrétienne et Espagne musulmane, Ruiz Diaz se forge une réputation de capitaine efficace ; il devient aux yeux de tous Sidi Qambitur, le seigneur qui campe et qui chevauche dont nous avons fait le Cid Campeador. Dans ce roman de guerre médiéval bien documenté et qui s'efforce de traduire l'état d'esprit du combattant, — il ne faut pas oublier que l'auteur a été reporter de guerre — mais qui évite les longues descriptions, on ne sera pas surpris de découvrir les compagnons du Cid comme Minaya ou Ordoñez ou encore le moine Millán qui sait se servir d'une arbalète et dessiner des cartes utiles aux opérations militaires et qui bien sûr donne l'absolution aux soldats avant toute bataille. On fait leur connaissance quand ils interviennent pour briser une algarade de troupes maures renforcées de fanatiques moabites. Le succès amène Ruiz Diaz à croire qu'il pourrait se faire embaucher par le comte de Barcelone Béranger-Raimond. Mais celui-ci est trop orgueilleux et prétentieux pour recevoir ces va-nu-pieds dans les rangs de son armée. C'est le point de départ d'une profonde rivalité entre les deux hommes.

 

Pour entretenir ses troupes Ruiz Diaz entre alors au service de Yusuf al-Mutaman le nouveau roi de la taifa de Saragosse (il y régna de 1081 à 1085) menacé par les ambitions de son frère al-Mundir basé à Lerida et soutenu par le comte de Barcelone. Tout en préparant la guerre, Ruiz Diaz devient plus ou moins l'ami de Jakub, le chef des troupes de Mutaman et entretient rapidement des relations étroites avec le roi qui lui présente même sa sœur Rachida. L'auteur montre à cette occasion le fossé culturel entre ces deux mondes. Les opérations militaires sont marquées par la prise de places fortes, Monzón puis Almenar, avant qu'une grande bataille sanglante se termine par la victoire des troupes coalisées du roi de Saragosse commandées par Ruiz Diaz.

 

On peut imaginer que le romancier espagnol, en nous rapportant la premier année d'exil du Cid, nous a donné en fait le premier volume d'une série consacrée au Cid Campeador (Sidi Qambitur), or, bien au contraire, Pérez-Reverte déclare vouloir éviter d'écrire « un gros roman historique qui prétende embrasser une vie insaisissable » (article d'El Pais déjà cité). Né Rodrigo Diaz de Vivar près de Burgos le futur Cid n'est ici qu'au commencement d'une longue carrière militaire qui le conduira à s'emparer de Valence. Encore gamin, le romancier espagnol avait découvert l'histoire du Cid dans un vieil ouvrage de la bibliothèque de ses grands-parents. D'où une image oersonnelle du Cid en bagarreur sobre éloigné de la version fanfaronne de l'époque franquiste autant que du romantisme du film d'Anthony Mann avec Charlton Heston et Sophia Loren (1961). L'auteur s'est évidemment intéressé aux travaux d'historiens contemporains et a consulté des spécialistes pour éviter les anachronismes dans son récit. Je trouve néanmoins que beaucoup de propos et conversations, notamment du Cid avec le roi de Saragosse, tournent autour de banalités convenues et de propos attendus. En conclusion, je ne pense pas que ce soit l'un des meilleurs titres de Pérez-Reverte dont on a précédemment apprécié Deux hommes de bien.

 

Arturo Pérez-Reverte : Sidi. - Traduit par Gabriel Iaculli. Seuil, 2023, 342 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ESPAGNOLE, #HISTOIRE MOYEN AGE
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