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Voilà un roman plein d'originalité. D'abord parce que l'action se passe à Edo au début du 19è siècle alors qu'on connaît mieux le Japon de l'ère Meiji. Aussi parce qu'on a une intrigue presque entièrement inscrite dans le quartier des plaisirs de la capitale du shogûn. Plus encore parce qu'il s'agit de l'histoire d'un scandale concernant une courtisane. Et plus encore par le mode de narration choisi par Matsui Kesako, autrice né en 1953 : les interlocuteurs de l'enquêteur seuls s'expriment, chapitre après chapitre. D'où un étrange roman choral plein de suspense puisque ne se révèlent qu'à la toute fin l'identité de l'enquêteur et le fin mot de l'affaire !

 

 

Depuis 1657, Yoshiwara est le quartier des plaisirs d'Edo, près de la rivière Ogawa. C'est un quadrilatère muré de 300 mètres de côté avec un poste de police à l'entrée. À l'intérieur quantité de maisons de thé et de maisons de courtisanes : à la Maison de l'Oiseau blanc, la star c'est Katsuragi, la vingtaine, courtisane de luxe sur rendez vous uniquement.

 

Or Katsuragi a disparu suite à une sombre“affaire”qu'on a cherché à étouffer. Tour à tour, des personnels de l'endroit témoignent devant le mystérieux enquêteur : O-Nobu, patronne de la maison de thé aux campanules, Torakichi gardien de la maison de l'Oiseau blanc, l'entremetteuse O-Tatsu, le tenancier Shôemon, etc... ainsi que deux clients si assidus, Jinshiro et Heijûro, qu'ils en sont arrivés à entrer en compétition pour racheter Katsuragi. Tous ces personnages sont de redoutables bavards, parfois un peu cachotiers, et en même temps ils nous montrent d'étranges coutumes comme O-Tane fière de son savoir-faire : mais pourquoi donc fabriquer des petits doigts factices en pâte de riz ?

 

À la lecture s'esquisse progressivement le portrait d'une société surprenante et très codifiée, où les petits samouraïs de la campagne sont assimilés à de pauvres goujats, tandis que les riches commerçants peuvent dépenser des fortunes pour devenir les favoris des belles courtisanes, plus raffinées et chères que les geishas qui vendent seulement leur talent, pas leurs corps, les unes et les autres dans le même quartier, aux établissements hiérarchisés. La description des kimonos séduira les“fashion victimes”. Lectrices et lecteurs ne seront pas éclairés sur les recettes érotiques de l'époque, beaucoup le regretteront, mais la raison n'est pas suffisante pour bouder ce roman exceptionnel qui ne semble pas avoir été remarqué comme il le mérite.

 

 

L'habileté de romancière de Matsui Kesako lui permet de distiller, d'un interlocuteur à l'autre, des indices sur l'affaire. L'hypothèse d'un admirateur qui a voulu racheter Katsuragi tient presque jusqu'à la fin du roman, malgré les pistes embrouillées et les dépositions contradictoires. Mais la solution est plus grandiose...

 

 

 

MATSUI Kesako. Les Mystères de Yoshiwara. Traduit du japonais par Didier Chiche et Shimizu Yukiko. Éditions Philippe Picquier, 2011, 297 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE JAPON
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