Quatre pages suffisent à présenter chacun des 95 articles de ce magasin du monde rédigés par autant de spécialistes. Une anecdote datée du XVIIIe siècle à nos jours suffit à classer ces articles — voilà pour la chronologie — puisque Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre ont écarté l'ordre alphabétique du dictionnaire. Pour le contenu du catalogue le choix va de l'attendu au surprenant. L'attendu c'est la boîte de conserve, le pneu ou le stylo-bille. L'inattendu c'est la banderole, le bonsaï, le coquillage ou le fétiche — car la fabrication industrielle n'est pas nécessaire pour impliquer l'objet dans la circulation mondiale des choses. Mais sont exclus les produits alimentaires qui se voient consacrer un volume jumeau paru en 2022 : L'Épicerie du monde.
On s'étonne parfois de rapprocher le domaine dont l'auteur est spécialiste avec le sujet de l'article, mais à la réflexion tout est logique. Ainsi présenter le bonsaï est l'affaire d'un spécialiste du Japon : Philippe Pelletier. Donc qu'Armelle Enders connue pour ses travaux d'histoire du Brésil présente les tongs ou qu'Antoine De Baecque amateur de randonnées alpines présente la chaussure de marche ce n'est finalement pas si surprenant.
Dans ce parcours à la fois excitant et sérieux, l'analogie avec le cabinet des curiosités est évidente. La lecture satisfait la curiosité intellectuelle comme le penchant pour le quotidien ou l'exotisme. Parce que leur sujet s'y prête, certains textes se montrent plus techniques que d'autres : ainsi du bandonéon, du chariot de supermarché, de la bouteille en plastique ou du stylo-bille. Bien sûr les esprits chagrins ne trouveront pas tout dans ce magasin. Ni tire-bouchon ni ouvre-boîte ! Nous n'avons pas ça en stock, c'est épuisé, commandez en ligne chez Ikea, nous dira-t-on... ou faites-le vous-même.
• Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre (dir.) Le Magasin du monde. La mondialisation des objets du XVIIIe siècle à nos jours. Arthème Fayard, 2020 et Pluriel, 2022, 460 pages.