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En 1978 un voyageur parti de France se dirige vers Venise puis Istanbul via la Grèce pour prendre enfin la route des Indes. Dédaignant l'avion il opte pour le chemin de fer et l'autocar en suivant une route terrestre censée être celle du conquérant Alexandre le Grand qui est allé jadis tremper ses pieds dans l'Indus. En Iran, le voyageur assiste au début de la révolution qui renversera le shah. Puis il ressort également indemne d'Afghanistan et du Pakistan. À peine arrivé à Delhi, Olivier Germain-Thomas — ou son double voyageur solitaire — est amené à faire un détour par le Japon afin d'inaugurer à Tokyo une exposition d'art avant de revenir se plonger enfin dans la spiritualité de l'Inde. Son intérêt pour les civilisations asiatiques est à la mesure de la condamnation de la modernité capitaliste et matérialiste partout où il la rencontre entre Istanbul, Delhi et Tokyo. Cette détestation de l'américanisation supposée a comme corollaire l'admiration orientaliste d'une Inde “'authentique”, tout un cliché qui fut à la mode à cette époque dans la jeunesse et les élites.

 

 

Du choc de l'Inde ordinairement ressenti par tout Occidental, le voyageur retient outre la couleur des saris, la pression de la foule dans les gares et les trains — notamment des enfants quémandeurs et voleurs — et presque partout la barrière linguistique, laissant un peu de côté la misère, les odeurs, le bruit. C'est vers les temples des dieux colorés de l'hindouisme, vers les pagodes et leurs bouddhas, sans oublier les couchers de soleil, que se tourne l'intérêt des touristes dont il critique l'afflux bien que ce soit l'un des buts évidents de son voyage en Inde. Mais pas l'essentiel. Car tout ce pèlerinage a pour but suprême de se frotter à la sagesse de l'Inde, des ashrams, des gourous. C'est la deuxième moitié du livre qui en rend compte. Le lecteur attiré par la civilisation indienne aura ainsi son lot de citations des Upanishads et de maximes des professionnels locaux de la méditation : telle est la tentation de l'Inde. La sagesse indienne lui ôte la conviction occidentale d'un progrès continu et d'un sens de l'Histoire qui, bien sûr ne serait que cyclique. Jaisalmer et le Mont Abu, Pondichéry et Auroville, Tiruvanamalai et Virupaksha figurent comme principales étapes de son parcours initiatique avant de s'incliner devant son gourou préféré, maître Goenka.

 

 

Que retenir ? Les grandes envolées intellectuelles, souvent plus clinquantes que convaincantes, et les incantations adressées à André Malraux et à son maître Jean Grenier, laissent aussi la place à de petites choses, à des anecdotes, à des rencontres féminines, et aux nuées de moustiques impitoyables — ce qui fait que la lecture n'est en rien pesante. Olivier Germain-Thomas a une formule qui pourrait bien résumer tout le livre : « Le voyage en Inde est un voyage dans le temps plus que dans une autre conception du monde. » Beaucoup de choses ont changé en Inde depuis quarante ans, dira-t-on... Si certains de ses gourous font toujours l'actualité, il existe aussi un hindouisme fanatique qui s'est mis au service du nationalisme indien.

 

Olivier Germain-Thomas. La tentation des Indes. Folio, 2010. Ouvrage initialement paru aux Éditions Plon en 1981.

 

Tag(s) : #MONDE INDIEN
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