Avec cet essai alerte et très documenté l’historien Alain Corbin se penche sur l’histoire du repos, traquant tout anachronisme. Car le repos n’a pas toujours été considéré de la même manière en Occident de la Renaissance à nos jours.
Dans la Genèse il signifiait le repos de Dieu au septième jour, dans la Bible le repos dominical. Pour tous il n’était que l’espoir du repos éternel, paradisiaque, après le salut de l’âme.
Dans la France rurale le repos n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui. Pour tous, hommes et femmes acharnés à leur travail, ne rien faire était mal vu : juste se « délassait » - on en se livrant à des tâches moins physiques. Le repos dominical ne signifiait pas non plus la cessation de toute activité, car l’oisiveté est « mère de tous les vices » : de messes en vêpres, chacun se consacrait à Dieu. Il n’existait pas de temps pour soi.
De même, comme l’écrit Pascal, dans les classes aisées le repos engendrait l’ennui et donc le besoin de se divertir alors qu’il eut fallu « demeurer en la chambre », non pour se laisser aller au repos physique qui amoindrit l’âme mais pour chercher la quiétude et le repos absolu de l’âme en Dieu.
Jusqu’à la fin du 18°siècle, la fatigue n’entrait pas en ligne de compte. Imitant Montaigne on décidait de faire retraite, de se retirer loin des soucis du monde : là encore, se reposer ne signifiait pas ne rien faire mais vivre autrement.
Au 19° siècle le repos prend de nouvelles significations. Initié par Rousseau, le besoin de repos gagne toutes les classes sociales : pour guérir de la fatigue du travail les ouvriers de l’industrie, et pour soigner les mélancoliques et les tuberculeux.
Mais l’historien considère que c’est dans les années 1950 que la conception sociale du repos diverge le plus de toutes les précédentes. On parle de « temps libre », de « moments de détente » : c’est « sea, sex and sun », le repos devient loisir, divertissement.
Inconnu dans la France rurale, le repos est devenu une revendication dans la France industrialisée avant de se démocratiser dans les festivités conviviales.
Cette représentation un peu réductrice du repos au XXI° siècle peut surprendre. Car d’aucuns aspirent encore à l’isolement, dans la nature ou en monastère, afin de récupérer leur énergie vitale pour retourner dans « le bruit et la fureur » du monde.
Chroniqué par Kate
• Alain Corbin : Histoire du Repos. Plon, 2021, 167 pages.