Après Partage des maux dont l'insuccès est manifeste, il serait temps qu'Alan Cuartero écrive un deuxième roman. Lisa l'a quitté en lui conseillant cette fois-ci d'écrire un « roman sérieux ». Durant les vacances d'été les voisins lui ont confié la surveillance de leur piscine : leur terrasse serait l'endroit idéal pour commencer l'écriture. Il serait concentré sur sa tâche tel un samouraï.
Mais c'est plus facile à dire qu'à faire car Alan se trouve en pleine déprime après le départ de Lisa et le suicide de Marc, son meilleur ami d'autrefois. Alan n'est pas ce qu'on appelle un fonceur, presque un loser. Pas très à l'aise avec les femmes, il est trop réservé — et à la limite de l'autisme. Heureusement, il peut compter sur l'amitié de Florent et de Jeanne. Ce couple plein de bonne volonté s'est mis en tête de lui faire rencontrer des jeunes femmes pour le sortir du pétrin de la solitude. En fait, c'est surtout l'idée de Jeanne, dynamique patronne d'un centre de fitness. Ainsi vont défiler quelques jolies personnes — Mylène, Chloé, Louise — qui structurent le récit en autant de parties. Mais les tentatives de Jeanne se heurtent à l'apathie d'Alan et à quelques imprévus.
D'abord les projets littéraires d'Alan sont contrariés plutôt que stimulés par ses rêves. Il s'imagine frimer dans l'émission tardive de Claire Chazal. Il envoie à son éditrice des messages promettant des titres aguicheurs. L'immigration de ses grands parents espagnols au temps de la guerre civile paraît s'imposer comme sujet. À moins que participer à la battue organisée par les villageois pour retrouver une joggeuse disparue n'aboutisse à une enquête inspirée par le journalisme gonzo. Mais sur son ordinateur les pages restent désespérément blanches. Alan est de plus en plus tracassé par cette piscine dont la limpidité se détériore malgré les doses de chlore que les voisins ont prescrites. Cela risque de tourner au casse-tête. En même temps les invitations de ses amis, démissionnaires dans l'éducation de leurs jumeaux Léo et Gabin, créent à Alan de nouvelles complications. Les conversations prennent des tournures qui le contrarient, par exemple sur la mort de son père. Le théâtre d'avant-garde est une sortie qui fait un flop. La plage aussi : il reste à fumer avec son ami Laurent au lieu de suivre dans l'eau Jeanne et sa copine aux seins nus. Et ce n'est pas tout...
Bref, Alan est un cas désespéré et Samouraï un roman léger, humoristique, et fort agréable à lire, sans oublier un regard aigu sur notre époque. L'auteur qui s'est taillé une belle réputation dans la bande dessinée semble devoir nous ravir comme romancier.
• Fabrice Caro : Samouraï. - Gallimard, collection Sygne, 2022, 219 pages.