Barcelone, 1936 : un théâtre qui donne des spectacles de cabaret passe sous le contrôle des anarchistes conduits par Mireia. Trois ans plus tard, celle-ci se retrouve dans un camp à Rivesaltes, puis réfugiée à Sète où elle finira ses jours. C'est là qu'elle donne naissance à un fils qui deviendra le célèbre baryton Roger Ventós. Nous avons là les deux thèmes majeurs du roman : l'histoire du déclin d'un théâtre et l'histoire de l'ascension d'un chanteur d'opéra dont la vocation a été très précoce. Tout cet aspect du roman réjouira les amateurs de musique classique et de bel canto.
Les deux histoires courent jusqu'en 1975 : mort de Franco et fin tragique du théâtre, qui incarne en même temps toute la vie d'un « couple » cher à Mireia et à son fils Roger. Elle, c'est Carme Bartrina, la propriétaire du théâtre des Miravillas, amoureuse de Mireia, mais restée à Barcelone quand l'autre a dû s'exiler. Lui c'est le frère de Mireia, Lluis, donc l'oncle de Roger, machiniste du théâtre, puis, finalement compagnon de Carme. Autres thèmes, la maladie qui frappe cruellement Carme et Mareia ; et l'homosexualité représentée ici par ces deux femmes et puis par Roger et Maurice son pianiste qui l'emmènera visiter le pays sérère où il est né.
Le fil conducteur est l'histoire d'un théâtre qui après s'être spécialisé dans le spectacle léger en arrive à résister par l'humour à la censure du régime répressif. Ayant voué toute sa vie à la musique et au chant, le très sérieux Roger Ventós pourrait-il devenir l'héritier du modeste théâtre populaire de Carme et de Mireia ? C'est d'ailleurs lui qui tient la plume choisissant d'écrire un roman réaliste mais pas une pompeuse autobiographie d'artiste.
Lluis Llach : Le Théâtre des Merveilles. - Traduit du catalan par Serge Mestre, Babel, 2022, 525 pages. [Editorial Empúries, Barcelone, 2017].
Né en 1948 à Gérone, Lluis Llach a lui aussi voué sa vie à la musique et au chant avant de devenir romancier. Il s'est également consacré à la politique catalane et à la défense militante de sa langue.