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Reporter indépendant, Arthur Frayer a mené pendant dix ans une enquête dans les banlieues de diverses villes de France où sont concentrées les populations immigrées les plus  pauvres. Ce projet est né en entendant Manuel Valls dénoncer  en 2015 «  l’apartheid territorial, social, ethnique » de certains territoires français. Jamais aucun responsable politique n’avait osé comparer la France à l’Afrique du Sud : dans le discours officiel on ne parle pas de ghettoïsation ethnique : c’est ce tabou que Frayer a voulu briser.

 

Dans certaines banlieues  Africains, Maghrébins, Maliens, Marocains ou Sénégalais,  tous le déplorent : «  les blancs sont partis ». Isolés entre eux ils sont  victimes de multiples discriminations. Un apartheid insidieux s’est mis en place : la mixité raciale a remplacé la mixité sociale. Et la France multiculturelle apparaît ségréguée. On assiste, de la part de l’État et des bailleurs sociaux, à une « politique de peuplement » fondée sur la concentration ethnique selon une logique de regroupement communautaire. Or pour les immigrés venus du même village, ce regroupement est basé sur l’entraide et la solidarité, jamais sur l’isolement comme le prétend l’extrême-droite car « appartenir à un groupe n’exclut pas d’appartenir à d’autres ». Il n’existe pas d’outils mesurant la ségrégation ethnique en France car la loi l’interdit au nom de l’égalité des individus.  Seules les voix d’extrême-droite comme celle de Ménard, le maire de Béziers, réclament des statuts ethniques pour éviter l’envahissement de la société française blanche selon la théorie du « grand remplacement ».

 

Néanmoins cette ségrégation est bien réelle, à preuve les discriminations au logement ou à l’emploi. La HALDE, par exemple, cette charte de la diversité signée par de nombreux chefs d’entreprise n’a pas été respectée et a disparu en 2011. Discrimination aussi des services publics : ces poches de pauvreté manquent de médecins, de policiers, d’enseignants. Il existe bien un racisme au cœur de L’État, « structurel » selon Pap Ndiaye, « institutionnel » selon A. Wieviorka. De même les prisons reflètent la situation des cités : on y trouve 80% de détenus noirs et arabes. En conséquence sévit un « racisme inversé » à l’égard des blancs minoritaires « assimilés aux nantis et à la classe dominante ».

 

Selon A. Frayer les politiques n’ont plus une juste vision de la composition de la population : « ils  continuent de percevoir la diversité d’origine comme une menace » alors que la France est multiculturelle. Dès lors qu’un acteur blanc ne peut plus porter un masque noir pour jouer « Les Suppliantes » d’Eschyle, dès lors que la « société française prétendument inclusive fixe et cloître chacun dans une identité d’appartenance et dicte aux uns et aux autres la place qu’ils ne doivent pas quitter », il y a urgence à prendre conscience et à réagir : c’est tout l’intérêt de cette enquête.

 

• Arthur Frayer-Laleix : « Et les Blancs sont partis ». Reportage au cœur de la fracture ethnique. Fayard, 2021, 263 pages.

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #ANTHROPOLOGIE, #ESSAIS, #FRANCE, #SOCIETE
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