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Que le titre ne vous abuse pas ! Ceci n'est pas un livre d'astronomie bien que les pensées errantes de Matteo Terzaghi filent comme des comètes dans l'espace et reviennent périodiquement sur des souvenirs d'enfance et des thèmes oniriques — tandis que le monde de la littérature n'est jamais très loin.
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« Tu te décides, oui ou non, à rendre ta copie ? » disait l'institutrice. Vous souvenez-vous des rédactions qu'on vous demandait à l'école ? Pas trop, c'est trop loin. Ne désespérez pas, Matteo Terzaghi vous aidera à réveiller le temps évanoui de ces compositions de français (ou d'italien, ou d'allemand...) Aussi prétend-il faire partie de ceux qui « continueront d'écrire des rédactions scolaires toute leur vie ». Finalement c'est un genre littéraire oublié qu'il vous propose de revisiter en feuilletant de manière aléatoire des scènes d'école, riches d'anecdotes et de digressions.
Ce n'est pas tout. L'auteur fait mine de parler simplement de la pluie, de parapluies, et du beau temps. Ces « leçons de choses » triviales conduisent en fait à la poésie pure. Regarder tomber la pluie comme le font les poètes Tao Qing ou Francis Ponge, observer une éclipse du Soleil que ce soit en 2015 ou en 1912, voilà autant de prétextes pour un auteur à l'esprit vagabond qui a facilement la tête dans les étoiles. La Lune le fascine et pourtant elle est « vieille et décrépie » pour le dire comme Qfwfq, le narrateur de Cosmicomics d'Italo Calvino. De plus, il n'y pleut pas, et « nous ne savons pas qu'en faire » contrairement à ce von Braun qui rêvait d'improbable colonisation lunaire. Alors on quittera le ciel pour rêver sur terre à « un récital de piano sans pianiste » ou vivre d'autres hallucinations.
La fragilité des choses, c'est « la réalité quotidienne qui peut prendre des traits féériques », c'est l'étonnante instabilité des images, celle du canard-lapin de Joseph Jastrow réinterprété par Wittgenstein, ou encore l'ambiguïté des dessins du plasticien Markus Raetz, où DOG devient GOD. Des petits riens de la vie — des tasses dépareillées, une affiche à l'arrêt de bus, un regard au plongeoir de la piscine — sont des tremplins pour l'imagination de l'auteur. Ces hasards aboutissent à se remémorer des pages de Danilo Kiš, de Robert Walser ou de Leopardi avec en chute des conclusions poétiques comme celle-ci : « Tombe, neige, encore et encore, bloque l'accès aux rédactions, débranche les téléphones et les serveurs, mets les rotatives hors d'usage ! » Oh, non ! Pas cela. Faisons vite provision de livres à la manière de ce petit bijou plein de fantaisie par un auteur qui a publié aussi des livres pour la jeunesse et des livres d'art.
• Matteo Terzaghi : La Terre et son satellite. Traduit de l'italien par Renato Weber. Êditions La Baconnière, 2022, 107 pages.