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Passionné d’alpinisme, Jean-Christophe Rufin voulait écrire un récit de montagne à l’ancienne, comme Premier de cordée de Frison-Roche, où l’exploit sportif n’empêchait pas l’expression des sentiments. À la manière de Maupassant dans ses Contes le romancier imagine qu’après une course dangereuse et épuisante le guide raconte au groupe de grimpeurs la « belle histoire d’amour » de Rémy et Laure. Le décor est planté. J.-C. Rufin s’inspire d’une histoire vraie, fil narratif qui lui permet d’évoquer l’historique de l’alpinisme, l’évolution de ses techniques et la vie des guides sans lasser le lecteur. De mélodrame en happy-end, de Paris au massif des Drus, entre joies et souffrances, l’alternance des contraires définit la condition humaine dans ce roman dont la montagne constitue le vrai personnage.
À la trentaine Rémy aimait « la glisse » et cultivait une conception hédoniste de la montagne plaisir sans chercher l’exploit. « Moniteur mondain qui enchaînait les conquêtes » il rencontra Laure : solaire, distante, maîtresse d’elle-même, il en tomba amoureux. Elle travaillait à Paris dans la finance mais la montagne l’attirait. Cette commune passion des hauts sommets les rapprocha mais Laure, habituée à étouffer ses sentiments, tarda à s’avouer qu’elle aimait Rémy. J.-C. Rufin construit un véritable jeu de balles entre les deux personnages ; entre bonheur et chagrins chacun met l’autre à l’épreuve, évolue et se révèle à lui-même. Et c’est au pied de l’arête des flammes de pierre, au refuge de la Charpoua, mythique dans Premier de cordée, que le mélodrame le cède enfin à un happy-end romantique.
J.-C. Rufin accorde une grande importance aux lieux : à l’image négative de Paris il oppose celle de la montagne. À l’inverse de la société urbaine qui « a la douleur en horreur, qui veut réduire l’effort à son maximum », la montagne permet d’accéder à la pleine conscience de la condition humaine « vulnérable et agissante, combative et mortelle ».
Confronté au risque inhérent à la vie, le grimpeur y découvre sa fragilité, « le marcheur y mesure sa petitesse », chacun y apprend l’humilité. « Divinité aux multiples visages », la montagne suscite le plaisir autant que la douleur.
Au fil des pages de ce beau roman, tout lecteur, même s’il n’a aucune expérience de l’alpinisme, peut trouver à méditer car chacun, confronté au risque de vivre, reste un Sisyphe tentant sans cesse de remonter son rocher.
• Jean-Christophe Rufin : Les Flammes de pierre. Gallimard, 2021, 345 pages.