Trois prix ont déjà consacré ce livre, le prix Landerneau, le Femina et le Goncourt des lycéens — sans doute en raison de son originalité thématique.
Jusqu’à quel point la naissance d’un enfant lourdement handicapé affecte-t-elle ses parents, son frère et sa sœur ? Si le handicap a désormais sa place dans le discours social, il ne constituait pas encore un motif littéraire jusqu’à ce que C. Dupont-Monod l’imagine en personnage de conte, en méchant gnome qui vient ravager la vie d’une famille : c’est l’épreuve pour chacun. Les parents bouleversés cherchent le meilleur pour cet enfant dont « le cerveau ne transmettait pas ce qu’il faut ». À neuf ans l’aîné, risque-tout égocentrique, fait plus que « s’adapter » : il se voue à ce petit frère en une relation fusionnelle comme on entre en religion. Au début, la cadette, elle, hait cet enfant qui lui vole son frère adoré, avant de mettre tout en œuvre pour sauver sa famille et se sauver elle-même.
Toutefois, le conte n’est pas noir, la mort n’attend pas à la dernière page. Le destin envoie aux parents un quatrième enfant qui, même s’il est lui-même habité par le fantôme du petit frère mort, reconstruit la famille. Si tous sont marqués à vie, au moins tous ont réussi à « s’adapter », mais s’adapter ne veut pas dire accepter.
Néanmoins, même s’il prend corps sur fond de montagne et de forêt, même si les lieux comme les personnages n’ont pas de nom, ce récit n’est ni un conte ni un roman, peut-être en partie une autofiction puisque l’auteure a perdu un petit frère... On apprécie certes les descriptions poétiques de la nature à toutes heures du jour et en toutes saisons pour donner corps à l’hypersensibilité et aux émotions de l’enfant handicapé autant que de l’aîné. Mais leur accumulation, jointe à des analyses psychologiques pesantes, rend la lecture lassante. Le conte suggère mais jamais n’explicite ! S’il eût été plus court, ce récit eut eu plus d’impact.
• Clara Dupont-Monod : S'adapter. Stock, 2021, 170 pages.
Chroniqué par Kate