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Voici un roman plus psychologique qu'historique qui dépeint aussi avec justesse la Crète et la culture traditionnelle de ses habitants avant la marée touristique contemporaine. Il m'a intéressé à la fois pour la présence dramatique de la lèpre dans le récit, et pour sa construction non linéaire, plus que pour ses côtés romanesques.

 

Au large du port de pêche de Plaka, sur la côte nord de la Crète, la petite île de Spinalonga a abrité les lépreux de 1903 à 1957, date à laquelle on a su guérir la maladie. C'est autour de cette situation tragique que la romancière britannique installée en Grèce a développé cette saga familiale selon une construction originale, mais pour en rendre compte — car j'ai apprécié cette forme du récit — il me faudra dévoiler une grande partie de l'intrigue... mais ce sera sans regret vu la 4ème de couverture. On sait que Victoria Hislop place ses romans dans l'histoire grecque contemporaine, et vu les dates, ce roman évoque aussi brièvement la résistance crétoise à la sanglante occupation nazie de 1941. Mais revenons au sujet.

 

En 1939 Eleni Petrakis, institutrice à Plaka, est atteinte par la maladie et doit s'exiler dans l'île, conduite en caïque par son mari Giorgis qui associe à son travail de pêcheur celui de passeur entre le village et l'île des lépreux. Elle laisse derrière elle leurs deux enfants, Anna et Maria, aux personnalités contrastées, et qui ont seulement en commun de devenir de séduisantes beautés. Tandis qu'Eleni se meurt dans son exil, Anna épouse le plus riche exploitant agricole de la région, Andreas Vandoulakis, une fortune qui provient des oliveraies. Restée proche de son père, Maria rencontre pourtant le cousin d'Andreas, Manolis revenu vivre avec son clan, et le mariage est décidé. Mais, catastrophe, la lèpre l'atteint à son tour en 1953. Le mariage n'est plus possible, Maria rejoint l'île des lépreux. La romancière dépeint donc les conditions de vie sur ce refuge en forme de ghetto et leur évolution durant ces deux décennies.

 

La dimension tragique du roman ne se limite évidemment pas à cette répétition de la maladie dans la famille Petrakis. Pendant que Maria s'éprend de l'un des médecins qui viennent soigner les lépreux, — et qui va y expérimenter le traitement par les antibiotiques — sa sœur Anna se laisse entraîner par le beau Manolis, vite revenu de son mariage annulé. Et c'est ainsi qu'au bout de neuf années de mariage de leur fils avec Anna les parents Vandoulakis ont enfin une petite-fille : Sophia, fille de l'adultère. Bonheur et drame viennent alors se télescoper : au moment où les lépreux sont guéris, au moment où Plaka fête le retour de Maria, au moment enfin où le docteur Kyritsis demande à Maria de l'épouser, voilà que la tragédie survient ! En route vers la fête à Plaka, les époux Vandoulakis se fâchent à mort. Drame de la jalousie et de l'honneur bafoué... Il appartient de ce fait aux deux grands-pères de trouver une solution pour leur petite-fille puisque sa mère est morte et que son père est en prison pour longtemps. Sophia sera confiée à un jeune couple, celui précisément de Maria et du docteur Kyritsis. Elle grandira sans savoir qu'ils ne sont pas ses parents biologiques.

 

 

Tout ce qui précède n'est en fait qu'un long flash back qu'encadrent habilement prologue et épilogue situés en 2001. Alexis, une jeune londonienne passionnée d'archéologie, part en vacances en Crète avec son amoureux. Sa mère, qui n'a jamais voulu l'éclairer sur le mystère de ses racines crétoises, lui recommande d'aller rendre visite à une certaine Fotini, sa copine d'enfance pour tout apprendre de ses origines. Vous l'avez compris, sa mère s'était Sophia Vandoulakis.

 

 

Victoria Hislop : L'Île des oubliés. Traduit par Alice Delarbre, Les Escales, 2012, et Livre de Poche, 2013, 519 pages. Prix des lecteurs du Livre de Poche 2013.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ANGLAISE
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