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Dans  « Premier sang  j’accouche de mon père » a confié Amélie Nothomb. En prenant sa voix elle rend la vie à ce papa tant aimé, Patrick Nothomb, décédé en 2020. Le genre du récit d’hommage induit un style particulier auquel la romancière soumet sa plume : son écriture flotte, sans s’appesantir, entre humour et drame, ainsi que dans un conte..


 

Le père de Patrick, militaire de vingt-cinq ans, avait trouvé la mort à la guerre. Claude, son épouse, n’en fit jamais son deuil et choya peu son unique enfant. Privé d’image paternelle, fou d’amour désespéré pour cette mère distante mais dorloté par sa grand-mère, l’enfant grandit solitaire. À six ans son grand-père le jugea « trop peu aguerri » et l’envoya en vacances dans les Ardennes chez les Nothomb, ses grands parents paternels.

À Pont d’Oye, dans cet immense château délabré et sans confort Patrick, comme dans les contes, connut sa première épreuve ! Le grand-père, surnommé le baron, personnage avare et égocentré se disait poète et vivait dans sa bulle ;  la grand-mère c’était la bonne maman compote de rhubarbe.... Treize enfants, « loqueteux et malingres » assaillirent Patrick à son arrivée : tels une « horde de Huns » ils lui arrachèrent ses provisions et ses vêtements !!!

Patrick, qui n’avait jamais eu de compagnons de jeu, découvrit les joies de la vie en bande, du foot, du patinage et des équipées dans la nature, au milieu de ces jeunes qui ne recevaient aucune éducation excepté le darwinisme : il leur fallait « survivre à leur enfance » ou mourir ! Et Patrick survécut, revenant amaigri et sale mais toujours désireux de retourner parmi ces sauvages ! L’expérience l’endurcit, il y découvrit même un certain bonheur : « appartenir à une bande d’enfants ne cessait de m’exalter ». Mais l’aventure se corsa : à la vue du sang frais Patrick s’évanouissait !, jolie métaphore de son immaturité. Bien sûr comme dans les contes, après ses études de droit le jeune homme rencontra l’amour et épousa Danièle en 1962. Naquit André, le frère aîné de l’auteur. Le destin soumit alors Patrick à une nouvelle épreuve. Alors qu’il était diplomate en poste au Congo en 1964, des rebelles marxistes prirent en otages mille cinq cent Blancs.

Pendant quatre mois le diplomate devenu « négociateur » joua Shéhérazade, palabrant chaque nuit avec leurs geôliers. Mais malgré son art de l’éloquence et sa maîtrise de l’argumentation, il ne put empêcher l’exécution de quelques otages. Il résista  grâce à « cette enfance sauvage qui l’avait aguerri et lui donnait la force d’être là, debout et vivant ». Quand les parachutistes belges débarquèrent en novembre, les rebelles tirèrent au hasard sur les détenus mais Patrick ne s’évanouit pas à la vue de leur sang ! « la rage de survivre » acquise chez les Nothomb avait fait de lui un homme et un héros.

Amélie Nothomb magnifie le souvenir de son père, dans la tonalité convenue de l’hommage. La vraie romancière, excessive et frondeuse, se révèle dans ses autres romans, tels Soif ou Les Aérostats.

 

Amélie Nothomb : Premier sang. Albin Michel, 2021, 170 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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