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Moscou, début 1939. Ce n'est pas encore la guerre. L'URSS sort d'une décennie de purges meurtrières qui ont révélé l'efficacité du NKVD à arrêter promptement les citoyens et à les engluer à mort dans des affabulations de complots contre Staline.

 

Un microbiologiste, Rudolf Ivanovitch Mayer, s'est contaminé par maladresse au virus de la peste alors qu'il se pressait pour aller répondre au téléphone. Il travaillait sur un vaccin dont le ministre espérait tirer un certain prestige personnel. Et le ministre, — on disait « commissaire du peuple » — le fait venir présenter son travail devant une commission d'experts médicaux à Moscou.

 

Dans le train, de Saratov à Moscou, il a le temps de contaminer quelques passagers. Idem à la commission réunie par les autorités sanitaires. Revenu malade à l'hôtel, le généraliste convoqué le juge atteint d'une pneumonie et l'envoie aux urgences. Il a contaminé le médecin et le barbier et l'urgentiste de l'hôpital. Qui d'autre ? C'est l'affolement.

 

Le directeur de l'hôpital a la sagesse d'informer rapidement les autorités et c'est le NKVD — l'ancêtre du KGB — dirigé par Béria qui va devoir prendre les mesures d'urgences : confiner et retracer les cas contacts.

 

Comme on est dans un Etat totalitaire, une dictature si vous préférez, les citoyens interpellés par des hommes masqués sortis de voitures noires en pleine nuit, se sentent coupables de quelque erreur passée. Un officier laisse une lettre pour Staline et se suicide. La femme d'un médecin tient à dénoncer le passé coupable de la famille de son mari. Une autre cherche à quelle prison adresser un colis pour son mari. Un ancien dissident s'enfuit. Etc... En pleine terreur stalinienne, cette épidémie de 1939, « ce n'était que la peste » relativise un personnage.

 

En reprenant ce texte écrit vers 1988 comme projet de scénario, Ludmila Oulitskaïa s'excuse presque en postface de faire de l'odieux NKVD l'outil magique qui a réussi à juguler l'épidémie avec promptitude. On sait bien aujourd'hui que cet exploit tenait de la science-fiction.

 

 

Ludmila Oulitskaïa. Ce n'était que la peste. Traduit du russe par Sophie Benech. Gallimard 2021, 136 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE RUSSE
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