Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le contact entre les civilisations offre de grandes perspectives tant aux historiens qu'aux romanciers.

Sur la biographie de Richard Francis Burton, on en apprendra davantage en consultant la page Wikipedia qui lui est consacrée qu'en lisant l'ouvrage d'Ilija Trojanow qui a pourtant connu un fort succès en Allemagne. Néanmoins, ce roman présente quelque intérêt. Non pas pour connaître l'enfance du héros puisque le récit s'ouvre sur l'arrivée du jeune officier à Bombay, mais pour se familiariser avec ses aventures dans trois mondes successifs entre 1842 et 1858. La moitié du roman concerne la vie de Burton aux Indes anglaises, d'abord stationné à Baroda, puis dans le Sind, sous les ordres du général Napier. Puis viennent les aventures financées par la Royal Geographical Society : la découverte de l'Arabie avec le pèlerinage à La Mecque et enfin l'expédition avec Speke à la recherche des sources du Nil. Les autres aventures de Burton, comme sa participation à la guerre de Crimée, se réduisent seulement à des allusions, avant qu'en épilogue soit évoqué la possibilité de sa conversion à l'islam.

 

 

L'originalité du choix de l’auteur réside essentiellement dans la double narration de chaque épisode. D’une part un récit impersonnel de l’action de Burton. D’autre part des témoignages. Pour donner vie au séjour indien Trojanow a imaginé le dialogue entre son ancien domestique, Naukaram, et un écrivain public parfois facétieux. Après avoir suivi Burton à Baroda et à Karachi, Naukaram a accompagné l’officier en Angleterre mais Burton l’a renvoyé pour entreprendre son expédition dans le monde arabe car Naukaram en bon hindou déteste les musulmans.  Revenu en Inde, il s’adresse à un écrivain public pour lui commander la meilleure lettre de recommandation possible, et finalement c’est toute sa vie avec Burton qui défile et particulièrement leurs relations avec Kundalini, la ravissante prostituée — consacrée par sa mère au service d’un temple—, et que le domestique a choisi en zélé serviteur de son maître.

 

 

Pour l’expédition en Arabie, Burton commence par se rendre au Caire et, de là, traverse la mer Rouge sur un rafiot bondé et se joint à une caravane qui le mène aux Lieux Saints, en route il s’est fait des amis car il maîtrise la langue arabe comme il maîtrisait celles de l’Inde. Premier européen à se rendre à La Mecque, il publie à son retour un livre relatant son aventure. Cet ouvrage est parvenu jusqu’au gouvernement de la Sublime Porte et le pouvoir turc s'inquiète et enquête : Burton s’est-il converti à l’islam, est-il un espion au service de puissances étrangères ? C’est à ces questions que ses anciens compagnons de pèlerinage doivent répondre devant le gouverneur turc et le chérif arabe. Ce moyen détourné de revenir sur l'aventure arabe de Burton donne un relief particulier à cette seconde partie.

 

 

Le lecteur retrouve ensuite Burton à Zanzibar, vers où se dirigent encore des marchands d’esclaves tel Omani Khalfan ben Khamis. L'Anglais, qui condamne l’infâme trafic, est pourtant heureux de l'aide du négrier pour  échapper à la sécheresse qui menace son expédition vers les sources du Nil blanc. Burton en partage la direction avec Speke — les deux hommes se détestent. Le sultan de Zanzibar avait choisi pour organiser l’expédition au quotidien un ancien esclave qui avait connu comme Burton la vie aux Indes. Les deux hommes communiquent ainsi par une langue qu'ils y ont appris. C’est par la bouche de ce Sidi Moubarak Bombay que nous apprenons, des années plus tard, toutes les difficultés qu’il leur fallut vaincre pour accéder aux lacs, rebaptisés Tanganyika et Victoria par les géographes venus de Londres. Burton et Speke avaient levé une partie du voile sur les sources du Nil, Sidi Moubarak Bombay y avait, lui, trouvé son épouse...

 

 

Les compagnons de pèlerinage, Sidi Moubarak Bombay, Naukaram, tous expriment leur fréquente incompréhension de Richard Burton, en même temps que leur admiration pour ses connaissances linguistiques. Le lecteur d’aujourd’hui appréciera dans ce roman une tentative très littéraire de découverte de l’Autre. Trojanow joue habilement avec l'exotisme et l'orientalisme du XIXe siècle, même si l'abondance de termes venus de langues étrangères peut finir par irriter car le glossaire placé en annexe est loin d'être complet.

 

 

Ilija Trojanow. Le collectionneur de mondes. Traduit de l’allemand par Dominique Venard. Buchet-Chastel, 2008, 582 pages.

 



 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :