Près d'Orosei, sur la côte orientale de la Sardaigne, Ettore Fossoli, un écrivain médiocre originaire de Bologne a loué une maison isolée pour venir écrire au calme la biographie de son auteur préféré, le célèbre Ludovico Lauter. Il y reçoit un bon accueil de Roberta, la fille de la propriétaire. Parfois ils entament une discussion sur la plage. Néanmoins Roberta ne manque pas de trouver son hôte assez bizarre. Mais après tout, n'est-il pas ici pour se mettre au vert, loin de l'agitation de la ville, et trouver l'inspiration ?
Le patient travail biographique d'Ettore Fossoli nous apprend que Ludovico, qu'il appelle sans cesse "le maître" est natif de Cagliari et que son père, Hermann, était un soldat allemand revenu après la guerre pour épouser la belle Giulia. Mais il meurt avant que son fils ait atteint l'âge adulte. Rapidement, Giulia quitte l'île et s'installe à Rome avec son fils qui y termine ses études secondaires, s'y fait des amis, des amies, et surtout Martina qui plus tard l'aide à s'installer à Milan quand il devient écrivain. À cette époque, il avait déjà été en contact avec sa grand-mère paternelle, visitée à Wiesbaden, et avait découvert chez elle un oncle reclus depuis sa blessure de guerre et apparemment intéressé par l'écriture. Le succès venant, grâce à des romans littéralement envoûtants et inspirés par le fantastique et la science-fiction, Ludovico s'installe à New York. Il épouse alors Margaret, une femme traumatisée par le meurtre de ses parents lors de vacances en Grèce. Bientôt Lauter se retrouve engagé dans la création cinématographique et télévisuelle, mais après le drame intervenu lors du tournage d'une télé-réalité inspirée de l'un de ses romans populaires, Ludovico Lauter décide de rentrer en Italie accompagné de Margaret. À Rome il est intrigué par ce que devient Giulia suite au décès de son amie voyante. L'inspiration du romancier s'est-elle tarie ? Le fait est que ses dernières œuvres ont rencontré moins de succès auprès du public.
Vous ne connaissez pas Ludovico Lauter ? Roberta, la fille de la propriétaire de la villa, étudiante en lettres à Cagliari, n'en a jamais entendu parler elle non plus. Son petit ami australien qui étudie l'italien non plus. Sa libraire à Nuoro non plus. N'en disons pas davantage car ce roman — c'était le premier d'Alessandro De Roma — est particulièrement bien ficelé. Quelques indices auraient pu mettre le lecteur sur la voie d'hypothèses sérieuses avant la fin de la première partie, mais sans doute n'y a-t-il vu que du feu... Le patronyme allemand de Ludovico est plus parlant pour le lecteur français que pour le lecteur italien, cependant on ne se pose pas trop de questions sur les relations entre Fossoli et Lauter. Or, bien des bizarreries du récit et du comportement des différents personnages devraient alerter davantage le lecteur avant que les cent dernières pages ne multiplient questions et révélations. C'est du beau travail ! J'ai pris garde à en dévoiler le moins possible...
• Alessandro De Roma. Vie et mort de Ludovico Lauter. Traduit par Pascal Leclercq. Gallimard, 2011, 367 pages [Edizioni Il Maestrale, 2007].