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En convoquant la sociologie, la paléo-anthropologie autant que l'histoire et les neurosciences, Boris Cyrulnik montre que tout ce qui nous entoure nous façonne, avant même la naissance. L'auteur adopte l'approche éco-systémique inspirée de Haeckel et Darwin pour qui « un organisme s'adapte à son habitat ».

 

Selon cette approche psycho-écologique, on découvre que notre cerveau est « sculpté » par trois systèmes : le micro-système, la niche sensorielle maternelle ; le méso-système, constitué de la famille, l'école, le quartier et l'exo-système, celui des mots, des croyances et de la culture. Ainsi, nul ne se développe hors sol, le cerveau a besoin de l'autre pour fonctionner. C'est ce qui fait dire à B. Cyrulnik qu'avec la pandémie, « les adolescents isolés actuellement seront gravement altérés ». Le climat influence le métabolisme, tout comme le contexte social.

 

À l'hérédité chromosomique s'ajoute l'héritage des enveloppes écologiques. Si une mère enceinte est malheureuse ou stressée son enfant subira une altération de sa mémoire et de ses émotions et connaîtra une adolescence perturbée. Car on sait que « plus l'adversité est précoce, plus les effets sont durables et délabrants ». Mais il suffit d'aider la mère pour que l'enfant reprenne un bon développement et entre en résilience.

 

Car le cerveau toujours change et s'adapte, façonné par les pressions naturelles et culturelles. Ainsi le cerveau d'un enfant de milieu aisé est mieux structuré que celui d'un petit né en milieu précaire. La construction du cerveau dépend autant de l'héritage chromosomique que de la structure écologique du milieu. Mais si l'environnement nous détermine, on peut agir sur lui pour éviter qu'il ne nous nuise et ainsi aller mieux. Boris Cyrulnik lance l'alerte : « Notre culture a perdu la boussole ».

 

On idolâtre le progrès, or ses conséquence négatives — la pollution, la déshumanisation, la perte du contact direct avec autrui — portent atteinte à nos capacités cérébrales. Nos sociétés pratiquent toujours la violence ; or si elle a été jadis bénéfique pour survivre, elle ne génère plus aujourd'hui que malheur et destruction. Il est urgent que nous entrions en résilience en modifiant la façon dont cet environnement nous a construits.

 

B. Cyrulnik met à bas autant les causalités linéaires que l'individualisme. Et si différents systèmes de niches nous déterminent, le premier reste bien l'environnement naturel : le détériorer détériore le cerveau humain. Nos sociétés ont oublié que l'homme n'est en rien supérieur à la nature mais qu'il n'en constitue qu'un élément. C'est à une saine prise de conscience que nous invite ce neuropsychiatre reconnu.

 

Boris Cyrulnik. Des âmes et des saisons. Psycho-écologie. Odile Jacob, 2021, 299 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #ESSAIS, #SCIENCES SOCIALES
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