Tel Modiano en quête des traces laissées dans la ville par les disparus d'hier ou de temps éloignés, Laurent Gaudé s'offre une « longue nuit d'errance » dans Paris. Suivant la suggestion d'un clochard halluciné croisé sur le parvis de la gare Montparnasse, on traversera le boulevard Saint-Michel, on saluera la fontaine des Innocents, on s'aventurera jusqu'à la gare de l'Est, toujours à la poursuite des vivants et des ombres.
Le récit de ces déambulations urbaines s'enrichit des noms de résistants tombés près du jardin du Luxembourg dans les combats de la Libération à l'été 1944, aussi bien que du souvenir du père victime d'un tragique accident domestique. Entre les deux gares, des morts illustres croisent son chemin : Villon, Hugo, Rimbaud, Artaud... le temps de quelques anecdotes. Des milliers d'autres vies auraient pu aussi bien venir à la rencontre du piéton de Paris. On veut bien croire que ceux-ci restent des inspirateurs de Laurent Gaudé.
Son écriture n'ignore pas de belles envolées lyriques inspirées par les ombres redoutées. Cela se lit non sans un certain plaisir, mais on reste dubitatif devant la performance. On retiendra un coup de chapeau à la librairie Présence Africaine, rue des Ecoles, et au poète Frankétienne.
• Laurent Gaudé. Paris, mille vies. Actes Sud, octobre 2020, 87 pages.