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Les colonies anglaises ont proclamé leur indépendance et gagné leur liberté. Devenu une célébrité, Benjamin Franklin reçoit du matin au soir importuns et quémandeurs. Mais un jour il choisit de n'accorder son audience qu'à un couple étrange. D'où viennent donc cet Auguste Benjowski et cette Aphanasie de Nilov ? Et bien sûr, que veulent-ils ?

 

Ce magnifique roman d'aventures nous conduit à travers le monde juste après le voyage de Bougainville. Il commence en Hongrie, alors province de l'Empire des Habsbourg, dans un abominable château où Auguste a eu deux maîtres, l'un pour les armes, l'autre pour l'esprit. Ce précepteur dénommé Bachelet est bientôt mis à la porte par le comte Benjowski pour avoir initié son fils aux Lumières. S'ensuit alors la carrière militaire d'Auguste. Le voici combattant dans les guerres européennes, à la défense de la Pologne dépecée par ses voisins, et échappant au mariage avec l'affreuse Katarzina. Près de Cracovie, malheureusement, des cosaques le font prisonnier et bientôt l'officier est déporté en Sibérie. Après d'interminables marches forcées, il finit par échouer au Kamtchatka dans une colonie pénitentiaire gouvernée par un soudard que le pouvoir tsariste a promu en l'éloignant. Mais ce M. de Nilov se trouve avoir une jolie fille de dix-sept ans…

 

A peine débarqué, Auguste se distingue du lot des autres bagnards. D'abord, il a sauvé le bateau pris dans la tempête en mer d'Okhotsk, puis intéressé le gouverneur par sa connaissance des langues, et séduit Aphanasie avec ses yeux bleus. Précepteur à son tour, il lui apprendra le français et les idées des Lumières. Cela fait un trop joli couple pour rester dans ces terres glacées qu'il faut fuir. De fait, après une virée dans le Pacifique nord et l'Alaska pour faire le plein de fourrures, Auguste visite l'Asie du sud et après Canton emmène sa compagne en France. Encore les Lumières. Ce sont des hommes comme d'Holbach et Diderot qu'ils rencontrent, tandis qu'Aphanasie profite des mondanités parisiennes pour exciter l'amour de son compagnon.

 

 

A Versailles, le ministre de la Marine, comme pour se débarrasser d'Auguste, l'expédie prendre pied à Madagascar. Mais les autorités françaises de l'île de France torpillent son entreprise. Qu'à cela ne tienne, Auguste met fin aux luttes tribales et unifie la grande île. Et comme les Français n'en voient pas l'intérêt sinon comme réservoir d'esclaves pour les plantations sucrières, Auguste et Aphanasie viennent à Philadelphie proposer à la jeune République de les aider à développer l'île où on l'a proclamé roi — sous le nom de Zibeline en raison des fourrures rapportées d'Alaska et vendues à la Compagnie des Indes. Bien que le retour d'Auguste finisse mal, les Malgaches d'aujourd'hui voient en lui un précurseur de leur unité, de la décolonisation, et de leur indépendance. C'est ce que l'académicien a découvert lors d'un séjour dans leur pays et il s'est inspiré des Mémoires de Benjowski pour ce roman qui fleure bon le XVIIIe siècle et qui procure un réel bonheur de lecture.

 

 

Jean-Christophe Rufin. Le tour du monde du roi Zibeline. Gallimard, 2027. Folio, 405 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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