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Argentine, 1976. La présidente Isabel Peron a cédé la place à la dictature militaire qui déjà avançait à grands pas. Elle va durer jusqu'à la guerre des Malouines qui se terminera en déconfiture pour les militaires argentins et permettra le retour au pouvoir d'un président civil, Alfonsin, fin 1983. Mais Elsa Osorio n'a pas écrit un roman politique. Elle a choisi de créer un merveilleux roman psychologique sur fond d'exactions de la junte au pouvoir.

 

Née en novembre 1976 et petite-fille du général Dufau, Luz Iturbe en est venue à s'interroger sur ses origines. Déjà à l'âge de sept ans, à la sortie de l'école, une femme se présentant à elle comme Miriam Lopez est venue lui dire qu'elle n'est pas la fille de Mariana Dufau, épouse d'Eduardo Iturbe. Cet événement est venu relancer les interrogations d'Eduardo. Sa fille n'est pas sa fille, il le savait bien : Mariana était enceinte mais le suivi médical n'avait pas été satisfaisant et elle accoucha d'un bébé mort-né. Le père de Mariana fit alors ce dont les militaires de la junte seront accusés lors des procès ultérieurs, au temps du président Alfonsin et du rapport d'accusation “Nunca mas” : il vola un bébé à une détenue, une militante révolutionnaire, qui allait être exécutée et on attendit que Mariana ait pu rentrer chez elle pour lui présenter le bébé comme étant le sien. Luz a ainsi vécu quelques semaines avec sa mère prisonnière chez Miriam et son compagnon la Bête, un sinistre homme de main de Dufau. Miriam a vite éprouvé de la sympathie pour Liliana, la mère de Luz, avant qu'elle ne soit assassinée dans une tentative d'évasion. Sachant ce qui l'attendait, Liliana a fait promettre à Miriam de conserver sa mémoire pour tout apprendre à sa fille le moment venu ainsi que chercher à joindre son mari, Carlos, — lui-même pourchassé pour appartenance aux Montoneros, le parti révolutionnaire —, au cas où il aurait pu échapper aux griffes de la junte.

 

L'intérêt de l'écriture réside dans la minutie psychologique et une progression par petites touches. L'intérêt de Miriam pour Lili, la future Luz, s'explique parce que, ne pouvant avoir d'enfant, elle avait cru que son compagnon pourrait lui procurer un bébé — mais Dufau en fit bénéficier sa fille. Eduardo, le gendre, sait dès le début que Luz n'est pas sa fille, mais il ne cherche pas à en savoir davantage sur les magouilles de ce beau-père qu'il déteste, jusqu'à ce que Miriam croise son chemin et que Dolores, l'amie d'enfance retrouvée, l'informe des pratiques des tortionnaires de la junte militaire. Ce souci d'en savoir plus va s'avérer fatal pour Eduardo, qui s'éloigne de son épouse autoritaire et conformiste, alors que Luz atteint ses sept ans. Miriam craint alors pour sa vie et part s'installer aux Etats-Unis, mais elle n'oublie pas la promesse faite à Liliana.

 

Longtemps après la guerre des Maldives, les Grands-Mères de la place de Mai continuent de rechercher la vérité et à rendre les enfants volés à leurs parents. Elles accueillent l'inquiétude de Luz. Devenue adulte et mère, Luz va enfin connaître des révélations. Mais la structure du récit est telle que le prologue donne une part du mystère. Elle a retrouvé son père exilé à Madrid. Tout au long du roman, Carlos et Luz commentent donc — en italique — le déroulement des faits. Ce mélange des temporalités, loin de compliquer la lecture, enrichit la trame romanesque et fait de Luz ou la vie sauvage une réussite. Un roman bouleversant.

 

Elsa Osorio : Luz ou le temps sauvage – Traduit par François Gaudry. Métailié, 2000 et Points, 2010, 472 pages. [A veinte años, Luz. 1998].

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #ARGENTINE
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